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Alep : ville sinistrée

Cher Ami,

Je ne sais si la ville d’Alep a été déclarée, « Ville sinistrée » par les instances internationales ou pas encore ! Ce que je pourrai dire moi-même, c’est qu’elle est bel et bien sinistrée.

Sinistrée humainement, sinistrée matériellement et sinistrée économiquement.

Les citadins de cette grande métropole sept fois millénaire se retrouvent, au bout de trois ans d’une guerre insensée, dans une situation désastreuse. La prospérité qui distinguait Alep pour la placer parmi les villes les plus en vue de la région a perdu tout son éclat. Les destructions innombrables qui ont anéanti ses usines et son industrie florissante, ses infrastructures et ses institutions sociales et administratives, son commerce et ses « souks » légendaires, ses maisons antiques, ses écoles et ses hôpitaux l’ont réduite à la misère et ont appauvri sa population d’une façon préoccupante et dramatique.

Faut-il encore parler de toutes les contrariétés qui font souffrir les aleppins ces jours-ci en raison du siège, sans précédent, que les rebelles ont imposé à leur ville depuis bientôt deux mois ? Le  manque de ravitaillement a créé une pénurie des vivres et d’un grand nombre de produits de première nécessité…

En un mot, notre population souffre et subit innocemment les séquelles d’une guerre injuste et dévastatrice.

 

Ai-je le droit de parler de notre archevêché qui a été ces derniers mois la cible des projectiles de toutes sortes qui ont fait de nombreux dégâts dans ses bâtiments et qui nous ont mis, mon clergé et moi-même en grand danger? Ou de me lamenter, alors qu’un grand malheur est entrain de frapper un bon nombre des habitants de cette  ville que nous aimons tous? A plusieurs reprises nos appartements ont subi des dégâts considérables, mais je considère tout cela insignifiant, face à ce que la ville a enduré… Que le Seigneur ait pitié de nous et permette que la paix s’établisse dans le pays.

Est-ce là une bonne façon de s’adresser aux amis à l’occasion des fêtes de Noël et du Nouvel An ? A qui d’autres que vous, mes bien aimés, puis-je confier mes soucis et dire ma souffrance en ces jours qui amènent au monde chaque année joie et réconfort et qui par malheur ne donnent aux miens que souffrance et amertume ? Noël pour les fidèles d’Alep, avec l’espérance et la consolation que nous amène avec lui le Sauveur Nouveau-né, reste quand même une fête que nous célébrons avec joie et qui adoucit notre amertume. Je voudrai en cette occasion dire à tous ceux qui pensent à nous, que nous souhaiterions qu’ils continuent à nous soutenir et à prier avec nous, pour que ce fléau destructeur, qui nous rappelle les grandes invasions barbares du moyen-âge s’arrête et que les convoitises des grandes nations se calment. Cela permettra, sans aucun doute, aux pauvres syriens de retrouver la tranquillité et la sérénité indispensables au dialogue, qui seul est capable de les mener à une entente et à une réconciliation nationale dont ils ont le plus grand besoin!

Je tiens quand même, cher Ami, à vous dire ici que je vous aime bien et que de tout cœur, je vous souhaite un Joyeux Noël et une Bonne Année Nouvelle, sans oublier de vous remercier pour votre bonté et pour la générosité avec laquelle vous avez bien voulu nous aider. Avec ma gratitude et ma profonde reconnaissance, veuillez agréer l’expression de mes meilleurs sentiments.

+J-C.JEANBART

 

Pour aller plus loin :

★ Découvrir l’action de Mgr JEANBART qui se bat pour maintenir ses école ouvertes

★ Retrouver notre dossier sur la Syrie