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Ascension du Christ : décryptage d'une icône melkite

Cette icône a été réalisée par Youssef Al-Musawwer, peintre melkite alépin, actif entre 1641 et 1658 et chef d’une descendance de peintres melkites alépins qui s’est poursuivie sans discontinuité jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Conservée à l’archevêché grec orthodoxe de Lattaquieh en Syrie, elle fait 47.2 cm de hauteur et de 37.9 cm de largeur.

Notre icône suit le modèle des icônes de la période tardive des Paléologues et des icônes et fresques crétoises du XVe siècle. Elle porte l’inscription « Η ΑΝΑΛΗΨΙC ». En haut de l’icône, le Christ est assis de face, sur un arc, dans une mandorle peinte dans des tons bleu ciel qui vont du bleu sombre près du corps du Christ au bleu clair à la périphérie. La mandorle est soutenue par deux anges en plein vol. Le Christ est vêtu d’une tunique ocre, symbole de lumière, d’où se détache en doré le parchemin et le nimbe. Il bénit de sa main droite et tient un parchemin de sa main gauche.

La Mère de Dieu occupe toujours la plus grande place sur les icônes de l’Ascension. Devant un paysage rocheux composé de cinq arbustes, Marie est au centre de la partie inférieure de l’icône et juste au-dessous du Christ. Elle est entourée des douze apôtres et de deux anges. Elle est debout, immobile, les paumes des mains ouvertes, en position d’orante, pour souligner son rôle d’intercesseur privilégié. Elle est habillée d’une tunique bleue et d’un maphorion rouge. La posture de Marie de face et orante suit le modèle mésobyzantin qui s’impose à partir du milieu du XIIIe siècle. Le livre des Actes des Apôtres n’évoque pas la présence de Marie lors de l’Ascension du Christ alors que les textes liturgiques de la fête de l’Ascension mentionnent sa présence :

[…] Seigneur qui remplis d’une ineffable joie, au jour de ton Ascension, tes disciples et la Mère de Dieu […] (doxastikon du lucernaire).

Pour accomplir, Seigneur, en ta bonté, le mystère caché de toute éternité, tu vins avec tes disciples au mont des Oliviers, en compagnie de celle qui t’enfanta […] (doxastikon de la litie). 

La présence de Marie est considérée comme indispensable pour accentuer son rôle en tant que témoin de la Théophanie et moyen de l’Incarnation. L’immobilité de la Vierge Marie fait contraste avec les apôtres qui ont les yeux fixés au ciel (Ac 1, 10) et qui, dans une variété de gestes et d’attitudes, lèvent les mains en signe d’étonnement devant l’Ascension du Seigneur. Les apôtres Pierre et Paul figurent respectivement à droite et à gauche de Marie. Ils sont facilement identifiables et occupent une place privilégiée par rapport aux autres apôtres. Les deux apôtres qui occupent les deux extrémités de la scène sont Philippe et Thomas : ils sont les seuls apôtres à avoir été décrits comme imberbes.

Deux anges figurent derrière la Vierge. Ils désignent par une main le Christ élevé en gloire et tiennent de l’autre main un phylactère. Nous pouvons lire en arabe sur le phylactère gauche : « Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous à regarder vers le ciel ? »* (Ac 1, 11) et sur le phylactère droit : « Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu allant au ciel »** (Ac 1, 11). Le fond de l’icône est constitué d’une montagne et des oliviers pour rappeler le Mont des Oliviers, le lieu où cet évènement s’est passé.

L’iconographie de l’Ascension occupe un emplacement particulier dans le décor monumental des églises byzantines : elle orne la coupole centrale de Saint-Sophie de Thessalonique, de Vierge des Chaudronniers de la même ville et de Saint-Marc de Venise. Lorsque le Christ Pantocrator est représenté dans la coupole, l’Ascension se déplace le plus souvent sur la voûte surmontant le bêma, sur le fronton surmontant l’abside, dans les parties ouest de la nef ou dans le narthex.

Charbel Nassif

* texte original :  أيها الرجال الجليليون ما بالكم ؟ شاخصين (؟) نحو السما.
** texte original : هذا يسوع الصاعد عنكم هكذا ستبصرونه واردًا كما رأيتموه صاعدًا.

Source : Narthex