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Chrétiens d'Egypte : leur place dans la société

DEPUIS LA REVOLUTION DE 1952, LEUR SITUATION EN TANT QUE MINORITE N’A CESSE DE SE DEGRADER

Ils ont été largement exclus par la « nouvelle Egypte » de toute une série de secteurs de la vie socio-économique où leur participation était autrefois considérable. C’est le cas notamment de la vie politique ; à l’issue de la mascarade des dernières élections législatives, fin novembre-début décembre 2010, seuls trois coptes ont réussi à se faire élire directement.

Cela ne représentait que moins de 1 % des 508 députés élus, alors que les Coptes sont entre 6 et 10 % de la population. Sept autres entrèrent au Parlement, désignés parmi les dix que le Président nomme directement en vertu de la Constitution.

Mais ces députés nommés sont des créatures du pouvoir ou n’excipent que d’une faible représentativité. Ainsi le choix de Gamal Assaad, qui s’est souvent désolidarisé de la communauté copte par ses positions outrancièrement anticléricales et son nationalisme panarabe, fut ressenti comme un camouflet.

Comme le fut, en sens inverse, la non-reconduction du mandat de la populaire députée sortante Georgette Qellini, qui, désignée par Moubarak en 2000 et 2005, avait eu l’audace de critiquer les autorités et le PND, dont elle est pourtant membre, au lendemain de l’attentat contre l’église de Nag Hammadi (janvier 2010).

CITOYENS DE SECONDE ZONE

Sous la monarchie, les députés coptes qui parvenaient à se faire élire étaient nettement plus nombreux (ainsi 27 députés, soit une proportion de 10,2 %, dans le Parlement de 1942).

Depuis soixante ans les Coptes subissent d’évidentes discriminations qui les relèguent au statut de citoyens de seconde zone. Des entraves évidentes limitent leur liberté religieuse : de tous les pays du Proche-Orient, l’Egypte est celui où il est le plus difficile de parvenir à construire ou réparer une église. Même la restauration des commodités dans un centre paroissial nécessite une autorisation au plus haut niveau. Les établissements religieux musulmans ne rencontrent, pour leur part, aucun obstacle à leur développement. Jusque voici peu, les Coptes se voyaient interdits d’enseigner la langue arabe, sous le prétexte qu’il s’agit de la langue du Coran. On pourrait multiplier les exemples de ces discriminations inacceptables sur le plan du droit moderne.

Par ailleurs, les Coptes subissaient, comme tous leurs compatriotes musulmans, les douloureuses conséquences de la politique d’un régime coercitif et prédateur : détérioration croissante des conditions de vie, paupérisation galopante, corruption effrénée, déliquescence de l’enseignement (et, corollairement, montée en puissance de l’ignorance, génératrice de la haine interreligieuse), faillite de la sécurité sociale… Alors que dans le Proche-Orient, les chrétiens appartiennent généralement à la « middle-class » ou à la bourgeoisie, en Egypte, on les trouve à tous les niveaux de la société. Les plus pauvres d’entre les pauvres Egyptiens, les chiffonniers du Caire, ces fameux zabbalines dont Soeur Emmanuelle fut l’ange gardien, sont Coptes à plus de 95 %.

Sous prétexte de lutter contre la grippe mexicaine, on sait que le gouvernement avait fait abattre leur cheptel porcin, nourri grâce à la récupération des ordures alimentaires… Alors que leur situation avait déjà été précarisée par le Gouvernorat cairote qui a confié à des entreprises étrangères le soin du traitement des immondices dans la plupart des quartiers de la capitale. Sans être un enfer, la situation des Coptes était donc socialement et culturellement très pénible; sur le plan religieux, l’islamisation rampante des mentalités, encouragée dans les faits par un régime ambigu représentait une menace grandissante. Tous ces facteurs expliquaient que les Coptes émigraient plus qu’autrefois. Mais il faut ajouter que de nombreux musulmans égyptiens quittent aussi leur pays, exactement pour les mêmes raisons…

Christian Cannuyer, Égyptologue, spécialiste des Coptes, Professeur à l’Université Catholique de Lille

(à suivre)