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Démographie des communautés chrétiennes au Proche-Orient Une approche historique - Youssef Courbage - 2008

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Youssef Courbage, Directeur de recherche à l’Institut national des études démographiques (INED)

Cette étude porte sur la démographie des communautés chrétiennes arabes, depuis la conquête du Proche-Orient par les musulmans jusqu’à la défaite des Ottomans après la Première Guerre mondiale[1] [1] Cette étude est largement fondée sur les données et…

Une entreprise qui ne semble pas aisée, à cause de la pénurie de documentation chiffrée et, là où elle existe, de ses lacunes manifestes[2] [2] Pour une étude critique des sources voir par exemple,…

La démographie, même approximative, montre de profondes différences de comportement entre les populations sur des questions vitales : la vie familiale, la naissance, le mariage, le divorce, la mobilité interne ou externe, la mort enfin. Et par-delà la démographie, elles permettent de mieux situer le statut véritable des minorités confessionnelles sous les divers régimes musulmans.La lente décrue chrétienne

A la mort du Prophète Mahomet en 632 de l’ère chrétienne, la population de l’Arabie était peu nombreuse. La base démographique des conquérants de l’islam était infiniment plus faible que celle des régions d’Orient ou du Maghreb qu’ils allaient dominer, arabiser de manière progressive, puis islamiser sur le long terme. La gageure était d’installer et de maintenir au pouvoir une poignée de conquérants de l’islam sur des populations non-musulmanes beaucoup plus nombreuses.

Tolérant, l’islam choisit de composer avec les chrétiens. Des trois possibilités -la conversion, le versement d’un tribut ou la guerre-, seules les deux premières rendent compte de l’histoire démographique de la chrétienté arabe. Point de massacres, beaucoup de conversions. Il s’agissait donc d’un grand pragmatisme de la nouvelle religion dominante avec les conquis, souvent des chrétiens arabes ou arabisés avant l’islam (Ghassasina, Lahmides), en rupture de ban, politique ou dogmatique, avec Byzance.

Sur la période qui précède l’émergence des Ottomans, il n’y a guère de statistiques, au sens moderne du mot. Ce sont des témoignages, des documents comptables, qui fournissent une esquisse de l’évolution. Par exemple, les levées fiscales donnent le montant global de la jizya, l’impôt de capitation payé par les non-musulmans. Ainsi, en Égypte, la population chrétienne à l’arrivée des musulmans (641) était de 2,5 millions d’habitants si l’on en juge par le montant du prélèvement effectué sur les dhimmis. Dans le Bilad el Cham, les données sont plus éparses. Une extrapolation de la taxe perçue dans la ville de Homs donne 4 millions pour la Syrie, 9 millions pour la Mésopotamie. Soit à ce moment-là 15 millions de chrétiens pour tout l’Orient arabe (avec l’Égypte).

En Arabie, au contraire, on assista à une quasi-disparition de la chrétienté, avec le maintien de quelques îlots chrétiens autour de Najran, trois siècles après l’avènement de l’islam. En Irak, également, les chrétiens disparurent quasiment, au moins dans le sud ainsi qu’en témoigne l’effondrement à ce moment-là de la jizya. Deux tiers de la population au sud de l’Irak se convertirent à l’islam avant l’an 700. En revanche, au nord de l’Irak, de nombreuses communautés chrétiennes, nestoriennes surtout, se maintinrent.

En Syrie, l’histoire démographique est différente. Des communautés chrétiennes prospérèrent. Le symbole le plus fameux en était la Mosquée des Ommeyades à Damas, qui englobe le tombeau de Saint Jean, où chrétiens et musulmans priaient ensemble, jusqu’aux Croisades. La conquête fut d’abord politique, plutôt que démographique puisqu’on comptait, un siècle après l’islam, 250 000 musulmans (6% de la population) et 3,75 millions de chrétiens. Mais, avec Omar II (717), puis les Abbassides, l’islam gagnait de plus en plus sur la population (la conversion de la tribu des Tannoukhides d’Alep en 779, en témoigne). La participation au combat devint un apanage musulman. Dans les villes, l’administration musulmane qui requit de ses fonctionnaires l’exigence de la langue arabe, commença à imposer l’islam. Vers l’an 900, la Syrie en vint à compter autant de musulmans que de chrétiens (c’est-à-dire 2 millions).

La montagne libanaise, quant à elle, devint la place forte des chrétiens. En effet, en 694, survint l’exode des maronites brimés par les Byzantins, de la vallée de l’Oronte vers la Qadisha où ils furent dit-on bientôt rejoints par les Maradas, des guerriers chrétiens qui servirent à l’occasion les armées musulmanes. Les Maronites s’étendront ultérieurement vers le sud du Liban, profitant des guerres mamelouks, au Kesrouan notamment, contre les musulmans hérétiques (alaouites, chiites et ismaéliens).

Enfin en Egypte, l’islam se propagea très vite sous l’effet des conversions : 60 % des coptes se convertirent entre 644 et 680. Le succès fut tel que le gouverneur d’Égypte en vint à demander aux coptes de conserver leur religion ! Mais vers 800, l’Égypte ne comptait plus que 22 % de chrétiens, dont l’importance économique et culturelle allait bien au-delà de leur force démographique : une sur-représentation dans la haute administration (plusieurs ministres coptes sous Al-Mutasim), le quasi-monopole des finances publiques, des architectes renommés… Dans ce pays, c’est l’inégalité fiscale qui précipita surtout les conversions. Pour conserver sa religion, il fallait être en mesure de payer l’impôt. D’où un effet de sélection, qui alimenta au fil des générations l’émergence d’une chrétienté de plus en plus privilégiée : plus urbanisée, plus professionnelle[3] [3] « Les Arabes, étaient grossiers, sans instruction et…

Même la fonction publique sensée rester purement musulmane comprenait des chrétiens sur-représentés aux plus hauts postes de l’État.

Puis vint le temps des croisades. Pour conserver Jérusalem conquise en 1099, les Croisés comprirent d’emblée qu’il fallait l’entourer d’un État militairement puissant dont le soubassement devait être une abondante population chrétienne : face aux multitudes musulmanes, il fallait en accroître le nombre.

Si au début de la première croisade, prêchée par le Pape Urbain II (1095), la conquête militaire devait venir en renfort de la chrétienté d’Orient, sans pour autant mobiliser l’immigration d’Europe, la stratégie changea très vite. Rapidement, l’Église et le Pouvoir mobilisèrent la puissance démographique de la chrétienté d’Occident pour coloniser la Terre Sainte ; il faut dire que l’explosion de la population au cours de l’an Mil en Europe exigeait un espace vital et une expansion territoriale hors du vieux Continent (push factor). Une noblesse sans avenir et des paysans sans terre en quête d’horizons nouveaux allèrent ainsi à la conquête des richesses de l’Orient (pull factor).

Cependant, les chrétiens d’Orient vivaient alors en bonne entente avec les musulmans. Il semble qu’ils étaient alors loin d’être tyrannisés par la religion désormais majoritaire, et sans doute peu sensibles à l’idée d’attendre de Rome une quelconque délivrance. Cela d’autant plus qu’ils étaient schismatiques comme les orthodoxes, et hérétiques comme les jacobites et les syriaques, sans compter qu’ils étaient arabophones et n’avaient donc pas dans l’idée de reprendre le contact avec Rome.

En Palestine, au lendemain de la première Croisade, les massacres et l’exode des populations musulmanes, laissèrent libre place aux chrétiens d’Occident et d’Orient. Mais, sauf exception, les chrétiens d’Orient n’avaient manifesté aucun enthousiasme à l’arrivée des Croisés. Quelques exceptions d’actes de « collaboration » doivent quand même être signalés : des services d’espionnage qui recouraient au service d’individus chrétiens orientaux, les fameux archers maronites, la délégation qui se rendit à Bethléem pour souhaiter la bienvenue aux Croisés. Mais le « racisme » des Croisés accéléra les fissures entre orientaux et occidentaux. De nombreux chrétiens furent en effet massacrés par les Croisés pour leur ressemblance physique avec les musulmans.

Les Croisés n’étaient pas bien disposés envers ces chrétiens orientaux qui non seulement ressemblaient physiquement aux musulmans mais parlaient aussi la même langue. Partant, il n’était pas question de leur accorder l’égalité. Régna donc une ségrégation de fait avec des juridictions distinctes. Ils payaient la capitation au même titre que les musulmans et les juifs (les Francs y échappaient). Dans les campagnes, les paysans autochtones, chrétiens ou musulmans, subissaient les mêmes servitudes statutaires : attachement à la glèbe, corvée, paiement du cens. En revanche, dans les villes, le statut était le même pour les chrétiens orientaux, les musulmans et les juifs. Toutefois, les Croisés marquèrent leur préférence pour les chrétiens orientaux qui n’avaient pas de connections externe avec Byzance. Les « hérétiques » monophysites, les dérangeaient moins que les « schismatiques » orthodoxes.

Au fil des générations, les Croisés devinrent plus tolérants. Les « Poulains » (natifs de Palestine) ne répugnèrent guère à prendre des femmes musulmanes. Leur méfiance à l’endroit de la chrétienté orientale ira de pair avec une compréhension plus marquée envers les musulmans. Selon le chroniqueur Foucher de Chartres : « L’Italien ou le Français d’hier est devenu un Galiléen ou un Palestinien ». Parallèlement des musulmans comme Ibn Jubayr iront jusqu’à reconnaître certaines vertus à la domination franque.

En 1110, l’échec démographique était quand même patent : 10000 Francs seulement dont 300 chevaliers et 1200 fantassins, face à 2,3 millions de musulmans en Syrie, 2,5 en Égypte et 4 en Anatolie. En 1187, elle ne s’améliora pas significativement : 120000 Francs dont le nombre plafonna par la suite. L’espérance de vie était faible et sans doute inférieure à celle des musulmans. De son côté, la fécondité était basse : 1,75 fils par homme Franc, celle des musulmans aussi mais moins basse (2,1). Enfin, l’émigration d’Europe s’étiola.

Conçues à l’origine pour secourir la chrétienté d’Orient, les Croisades eurent donc le résultat inverse. Les apports extérieurs s’étaient taris et le divorce avec les églises d’Orient semblait consommé.

Après la disparition des Royaumes francs, les musulmans ne réagirent pas tout de suite envers les chrétiens orientaux. Leur neutralité, voire leur connivence avec l’islam (notamment lors de la prise de Jérusalem par Saladin) et une forme de solidarité « ethnique » qui transcendait la solidarité religieuse, prévinrent les réactions négatives de l’islam.

Après la défaite des Francs de Ain Jallout (1260), les Mamelouks néophytes intolérants, au contraire des Ayyoubides, dévastèrent Antioche et Edesse et poussèrent les Maronites à regagner leur sanctuaire de la Montagne. Ils inaugurèrent une phase de durcissement de l’islam, dont la traduction philosophique est l’œuvre d’Ibn Taïmiyya (1263-1328)[4] [4] « Le Livre de la réponse aux chrétiens », « Le…

et la traduction littéraire, les récits de Baïbars[5] [5] Roman de Baïbars, Fleur de truands, Sindbad, Paris, 1986. …

une vision anti-chrétienne. Les exactions mamelouks contre les chrétiens pourraient faire l’objet d’ouvrages entiers. Les Maronites notamment pâtirent de leur dureté avant que, par une surprise de l’histoire, ils ne deviennent les bénéficiaires de la violence mamelouk exercée, cette fois, contre les hérétiques musulmans, qui libérèrent ainsi des territoires au sud du Liban ouverts désormais à l’expansion maronite.

Une étonnante prospérité sous les ottomans

L’année 1516, celle de la défaite des Mamelouks face aux Ottomans à la bataille de Marj Dabek, marque un point d’inflexion de l’histoire démographique des communautés chrétiennes. Un prospectiviste avant l’heure, au XVIe siècle, qui se serait livré à des conjectures sur l’avenir des communautés de la région, aurait pu prédire que la maison d’Othman parachèverait l’œuvre amorcée par les Mamelouks. Elle y apporterait encore plus de zèle et de méthode, enrichie par sa confrontation multiséculaire avec l’Empire byzantin et la chrétienté en Europe. Notre prospectiviste aurait ainsi imaginé un remake du scénario maghrébin, avec la disparition de la chrétienté autochtone : autour de 1049 en Libye, 1091 en Tunisie, 1150 en Algérie, 1300 au Maroc[6] [6] Art. « Libya », « Tunisia », « Algeria », « Morocco »,…

A rebours de cette tendance spontanée, la chrétienté arabe en Syrie, connaîtra sous les Ottomans, un essor démographique inimaginable, surtout que les communautés musulmanes subiront, en revanche, une stagnation séculaire. Et cela, peut-être à leur insu, tellement la croissance démographique échappe à l’observation immédiate : ce n’est en effet que sur la longue durée que l’on prend acte des effets cumulés de ces changements qui paraissent infinitésimaux dans le court terme.

Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la croissance démographique (qui est différente du phénomène d’explosion démographique) est un signe de bonne santé. Une population qui augmente traduit le fait que la population bénéficie d’une alimentation et d’un état de santé meilleurs et conjure le fléau de la mortalité. Elle jouit d’un niveau de vie adéquat, ce qui lui permet de mettre au monde de nombreux enfants, qui survivent en bonne santé et qui ont pu fréquenter l’école. Enfin, la sécurité instaurée par le Prince ne la contraint pas à émigrer ou à fuir.

D’utiles recensements

Les recensements réalisés par les Ottomans, devaient permettre de connaître le nombre des contribuables et celui des hommes en âge de porter les armes en vue de la conscription. Mais ils avaient aussi un objectif symbolique : montrer aux sujets l’efficacité d’une administration capable de les énumérer un à un, et ainsi souligner que l’État est fort. Si la campagne censitaire exhaustive n’eut lieu qu’en 1570-1590[7] [7] Pour les recensements ottomans du XVIe siècle,…

des recensements ponctuels l’avaient précédée.

Aux siècles suivants, cette pratique cessa, notamment en raison de la généralisation du système de l’iltizam pour la collecte de l’impôt et de la moindre nécessité d’identifier les foyers. Mais en 1831, l’Empire fit peau neuve avec les réformes ambitieuses autrement nommées tanzimat. L’un des instruments de cette rénovation fut le recensement général de la population. Il ne couvrit malheureusement pas le Bilad el-Cham, alors en rébellion ouverte sous Ibrahim Pacha, fils de Mehemet Ali, qui recensera l’Égypte en 1846 pour confirmer qu’il l’avait détachée de l’Empire. La Syrie, en revanche, ne fut pas recensée durant la période de l’occupation égyptienne, qui dura jusqu’en 1840. En 1881-1893, les recensements ottomans couvrirent la totalité du Bilad el Cham, puis en 1897, en 1906 et en 1914[8] [8] Pour les recensements du XIXe et XXe…

Entreprises de grande qualité, qui abondent en détails, tels que la répartition des habitants par caza et par confession, détaillée pour les chrétiens, unique pour les musulmans.

Ainsi, le Bilad el-Cham (Syrie, Liban, Jordanie, Palestine, Israël, dans leurs frontières actuelles), comptait 8 % de chrétiens (1 % de juifs) lorsque les Ottomans s’y installèrent. Le même ensemble, lorsqu’il fut abandonné aux Anglais et aux Français après la désintégration de l’empire Ottoman, en comptait 24 % (1 % de juifs).

Le Mont-Liban fut une exception. Recensé au XVIe siècle, il ne le fut pas au XIXe. Profitant de l’obstacle de la montagne, les habitants de toutes les confessions cherchaient à cacher leur nombre pour ne pas révéler leur force réelle. Et cet obstacle de la montagne ne contribua pas non plus à la perception de la Jizya [9] [9] Dominique Chevallier, La société du Mont-Liban à l’époque…

qui tomba en désuétude. En l’absence d’un recensement, l’évaluation de cet impôt ne permet donc pas de mesurer l’importance démographique des populations du Mont-Liban.

Comparée à la population musulmane, presque stagnante (1,3 million d’habitants vers 1580 et moins de 1,6 million trois siècles plus tard), la population chrétienne s’envola, passant d’un peu plus de 100000 habitants à un demi million. Ce sont les provinces de Tripoli et de Beyrouth (y compris le Mont-Liban) où la présence chrétienne était la plus marquée qui eurent le rythme de croissance le plus soutenu : d’un facteur 6 (5,9 dans la province d’Alep) contre 1,6 seulement à Damas. Toutefois, dans cette dernière province en proie à une crise démographique qui reflétait son recul économique et une insécurité lancinante, les chrétiens furent les seuls à progresser, les musulmans de Damas perdant le quart de leur population. Devenu pratiquement homogène à la chute des Mamelouks, avec plus de neuf musulmans pour dix habitants (91 %, et jusqu’à 97 % à Alep), le Bilad el-Cham se diversifia donc par l’émergence d’une population chrétienne nombreuse à Tripoli, Beyrouth, Damas et Alep.

Les taux d’accroissement sont plus difficiles à interpréter. On sait qu’ils sont la résultante de plusieurs facteurs enchevêtrés : la natalité, la mortalité, l’immigration vers le pays, l’émigration du pays, sans compter les structures par âge et par sexe des populations. La disparité entre le taux d’accroissement annuel moyen des chrétiens et celui des musulmans – 0,51 % contre 0,06 % – est tellement forte à ce moment-là qu’elle ne pouvait découler que de différences réelles et non d’erreurs de dénombrement.

Il paraît utile de regarder de plus près ce qui se passe au Mont-Liban car en effet avec l’intérêt croissant des puissances européennes pour ses communautés (tableau 2), les estimations de la population du Mont-Liban se succédèrent, car la démographie devenait de plus en plus un enjeu politique. Force est d’admettre que la prédominance des chrétiens – quelque 80 % –, est attestée par tous les observateurs.

Cette situation des chrétiens au Mont-Liban différait notoirement de celle des autres régions ottomanes du Bilad el-Cham. Dans leurs frontières actuelles et à partir du recensement ottoman en 1914, on trouve des pourcentages de chrétiens de l’ordre de 10 % en Syrie, Jordanie et Palestine, légèrement plus en Israël (16 %). Le passage du Petit au Grand-Liban devait se traduire par une diminution de la part de la population chrétienne de 79 % à 57,6 %, la proportion des chrétiens des régions intégrées au Mont-Liban étant de 32,3 % (tableau 3).

On peut prendre toute la mesure de la progression numérique des chrétiens du Liban, grâce à l’atlas historique de Issam Khalifé[10] [10] Issam Khalifé, Les nahia…

Une minutieuse reconstitution démographique à l’échelle des nahias, fondée sur le recensement ottoman de 1519, donne une estimation de la population chrétienne de 44000 habitants, soit 17,3 % du total de 257 000 habitants du Liban, dans ses frontières actuelles. En près de quatre siècles ottomans, la population chrétienne de ce qui deviendra le Liban a donc été multipliée par 11,3, la population musulmane par 1,7.

Une croissance différentielle

La croissance démographique ne fut pas régulière au cours des quatre siècles ottomans. Épidémies et famines pouvaient annuler en quelques semaines des décennies de progression démographique. Les communautés confessionnelles connurent donc des progressions et des décrues qui ne furent pas forcément parallèles. Cependant, le résultat net cumulé ne fait pas de doute. Le règne ottoman s’est accompagné d’une extraordinaire remontée de la chrétienté. Sa population fut multipliée par 4,6 tandis que celle des musulmans n’augmentait que de 21 %.

Au début de l’ère ottomane, l’immigration « internationale[11] [11] On considère comme immigration internationale, celle qui…

explique en partie la croissance démographique plus forte des chrétiens. On raconte qu’à Alep, le Sultan Sélim Ier fut affligé d’y voir si peu de chrétiens et ordonna un sürgun – un transfert autoritaire de population – vers la ville pour la repeupler et pour augmenter le nombre de ses habitants chrétiens[12] [12] En fait, la montée de la population chrétienne d’Alep…

D’où la grande diversité de ce peuplement : 52 % de grecs orthodoxes et catholiques, 33 % d’arméniens, 14 % de syriaques au recensement de 1914.

Qu’il s’agisse du Bilad el-Cham dans son ensemble, de ses diverses provinces ou de ses villes (tableau 4), tous les chiffres concordent sur la disparité démographique des communautés. En arrière-plan, l’on trouve la pax ottomanica, une paix intérieure plus qu’extérieure -sauf dans les années 1860 à Damas et dans le Mont-Liban-, qui a profité aux chrétiens du Bilad el Cham. Ponctuellement, les migrations internationales ont pu jouer un rôle dans la constitution des populations de cette région et sur leur répartition confessionnelle, mais sur le long terme ce sont les composantes de la croissance naturelle qui l’emportent. Ce sont bien une mortalité beaucoup plus basse et une natalité beaucoup plus élevée qui expliquent la supériorité de la croissance démographique des chrétiens.

Certaines données ottomanes précoces, sur une trentaine de bourgades de la province de Damas, où les populations musulmanes et chrétiennes étaient mélangées, montrent que le taux de croissance démographique de ces dernières était deux fois plus élevé : 2,03 % par an contre 0,98 en 1533-1559[13] [13] Muhammad Bakhit, « The Christian Population of the Province…

La mortalité musulmane doit se comprendre notamment à l’aune de l’obligation du service militaire. Si en temps de guerre, la mortalité s’expliquait aisément, elle se comprend aussi en temps de paix, en raison des foyers d’infection qui pouvaient décimer les conscrits revenus du front. Ainsi, durant la Première Guerre mondiale, les conscrits du Bilad el-Cham, pris dans le safarbalek sur les fronts des Balkans, craignaient bien plus de mourir du typhus que sur le champ d’honneur.

A l’évidence, la mortalité dans les troupes ottomanes était donc redoutable et imprimait sa marque sur les statistiques, et même le Mont-Liban n’y échappa pas. Dans la localité de Batroun, un exemple est fourni par Issam Khalifé[14] [14] Issam Khalifé, Les paysans…

qui note une forte diminution de sa population musulmane entre 1519 et 1571, puisqu’elle est de 15% alors que les chrétiens augmentaient de 5%. Il attribue ces tendances à la conscription forcée décrétée par le wali de Tripoli dans les troupes du Sultan pour la conquête de Chypre. En effet, seuls les musulmans y étaient « conviés » et y laissèrent de nombreuses victimes. Exemptés des servitudes militaires au prix du paiement de la jizya, les chrétiens y furent théoriquement astreints par les tanzimat (1858). En réalité, les chrétiens et les juifs échappaient à cette contrainte en payant des frais d’exemption (Badal Askari).

Après le facteur militaire, un autre élément accéléra ensuite l’avancée chrétienne au XIXe siècle : la scolarisation offerte par les missions chrétiennes joua ainsi également sur la mortalité. Dans la wilaya de Beyrouth, le taux de scolarisation des enfants était de 65 % chez les chrétiens et de 40 % chez les musulmans[15] [15] Calculs d’après les statistiques de élèves fournies…

Certes, l’effet de la scolarisation des enfants sur la santé et sur la mortalité n’est pas immédiat. Mais au terme d’une génération cependant, les pères et les mères qui ont eu la chance de profiter de la fréquentation de l’école sont mieux outillés pour affronter la maladie, la leur et celle de leurs parents, et diminuer les risques planant sur la vie de leurs enfants, qui décédaient très fréquemment à cette époque.

Malgré les fortes ponctions migratoires de la deuxième moitié du XIXe siècle, les chrétiens conservèrent un avantage certain en terme de croissance naturelle et totale. De plus leur urbanisation croissante influença favorablement leur accroissement naturel (tableau 4).

Certes la deuxième phase de la transition démographique, celle de la baisse de natalité, concerna les chrétiens avant les musulmans, avec un demi-siècle d’avance. De manière concomitante, la fécondité des chrétiens baissa régulièrement au cours du XXe siècle, alors même que la fécondité musulmane augmenta du fait d’une stabilisation des unions et d’une moindre fréquence des divorces, au moins jusqu’aux années 1970. Mais jusqu’à la fin des temps ottomans, les chrétiens furent plus féconds. Il s’agit d’ailleurs d’une idée récurrente qui remonte au célèbre satiriste al-Djahiz. Celui-ci remarqua au IXe siècle que les chrétiens monogames étaient plus prolifiques que les musulmans polygames[16] [16] Une intuition géniale pour l’époque, tant le sens commun…

et, en conséquence, il s’émouvait du fait qu’ils « remplissent la terre ». En effet, à cause de la répudiation et de la polygamie (moins répandue) les musulmanes pouvaient vivre de longues périodes d’infertilité[17] [17] Philippe Fargues, « La démographie du mariage arabo-musulman :…

au contraire des chrétiennes. La monogamie et l’interdiction ou l’extrême difficulté du divorce avaient ainsi contribué au dynamisme démographique de la chrétienté.

Les pratiques de restriction volontaire des naissances par la contraception ou l’avortement, étaient plus répandues qu’on ne l’imagine, dans les familles musulmanes surtout. Dès 1856, le voyageur Nassau Senior, notait la fréquence des pratiques de contrôle des naissances chez les femmes musulmanes « les moyens nuisibles dont usent les femmes turques des classes sociales les plus basses pour éviter d’avoir beaucoup d’enfants[18] [18] Nassau Senior, A Journal Kept in Turkey and Greece, London,…

En outre, « l’avortement et la prévalence choquante d’un crime contre la nature parmi les musulmans » furent avancés par le consul d’Angleterre à Istanbul comme des facteurs significatifs de la faible croissance démographique chez les Turcs[19] [19] Richard Clogg, « The Greek Millet in the Ottoman Empire »,…

Le malthusianisme s’était répandu à Istanbul à la fin du XIXe siècle, chez les musulmans surtout[20] [20] Alain Duben et Cem Behar, Istanbul Households – Marriage,…

ainsi que dans les autres villes ottomanes : Beyrouth, Alep, Damas ou Jérusalem[21] [21] Une reconstitution des familles de ces villes au XIXe…

De l’incidence du service militaire sur la démographie, on ne retient habituellement que son effet le plus spectaculaire, sur la mortalité, un phénomène déjà évoqué par ailleurs. Les différences de natalité, également, doivent beaucoup au service militaire. En plaçant très haut dans la hiérarchie des fonctions, la fonction militaire et en la réservant aux musulmans, les Ottomans rendaient un service inestimable aux chrétiens et aux juifs, qui en furent dispensés, au prix d’une pénalité la jizya ou durant les temps modernes, le badal askari (exonération du service militaire). La contrainte était lourde puisque les jeunes musulmans étaient astreints à un très long service. Les effets sur la natalité étaient ravageurs : éloignement des jeunes de leurs foyers ce qui pour les célibataires entraînait un retard de l’âge au mariage, et pour les mariés des rapports sexuels différés ou épisodiques avec leur épouse légitime. Ce sont là des facteurs inhibiteurs de la natalité. La portée délétère du service militaire sur la démographie musulmane ressort des chiffres des recensements du XVIe siècle : la mobilisation pouvait toucher jusqu’à 12 % des hommes d’âge sexuellement actif[22] [22] D’après Barkan, la mobilisation touchait 52000 piyadé…

Toutefois, jusqu’aux guerres balkaniques, l’Anatolie fut mise à contribution, plus que les autres régions de l’Empire, le Bilad el-Cham notamment.

Faute d’un état civil performant, il est difficile de mesurer les différences de fécondité entre chrétiens et musulmans. Cependant, les recensements ottomans de la fin du XIXe siècle, font indirectement ressortir la supériorité de la fécondité chrétienne. En effet, le rapport enfants-femmes, que les démographes utilisent comme un succédané, montre que ce rapport est d’autant plus élevé que les provinces contiennent une part chrétienne importante[23] [23] Rapport du nombre des enfants de moins de 10 ans aux…

D’où l’intérêt aussi de ce mini-recensement par des filateurs français dans un village mixte du Chouf mentionné par Dominique Chevallier[24] [24] Dominique Chevallier, La société du Mont-Liban. . . , ouv. cit. …

Le rapport enfants par femmes s’établit à 1,56 chez les chrétiens contre 1,15 chez les druzes, c’est-à-dire 36 % de plus. Certes, le particularisme druze pourrait rendre compte de cette moindre fécondité qui s’est d’ailleurs perpétuée, puisqu’en 1971, une enquête sur le planning familial au Liban montre une fécondité druze inférieure à celle des maronites. Et cette forte fécondité chrétienne était vraisemblablement commune à toutes les régions du Liban et du Bilad el-Cham, contribuant par là-même à éponger les effets de l’émigration chrétienne[25] [25] Au recensement de 1932, 85 % des Libanais déclarés…

vers l’étranger.

Un débat qui reste ouvert

Jusqu’au XIXe siècle « l’explosion démographique » considérée par beaucoup comme consubstantielle à l’islam, était donc bel et bien un phénomène chrétien.

La Première Guerre mondiale, les exactions des Jeunes-Turcs dans le Bilad el-Cham, ont fait disparaître toute sympathie pour l’Empire ottoman chez la plupart des chrétiens d’Orient[26] [26] Amin Maalouf montre bien cependant, à travers les lettre…

au point que s’est répandue chez les chrétiens d’Orient une propension à attribuer tous leurs maux aux Ottomans.

Les États – Nations qui vont succéder à l’Empire multinational ottoman seront moins propices à l’épanouissement démographique de la chrétienté. L’érosion lente dans le Bilad el-Cham, où les régimes politiques n’ont pas de responsabilité directe, est le résultat de l’entrée précoce des chrétiens orientaux dans la deuxième phase de la transition démographique avec la baisse de la natalité, aggravée cependant par l’émigration vers le Nouveau Monde ou ailleurs.

Le graphique ci-dessous montre l’évolution sur le long terme de la proportion de chrétiens dans le Bilad el-Cham, depuis l’avènement de l’islam jusqu’au tournant du troisième millénaire. Il fait ressortir les deux points d’inflexion, qui marquent l’ère ottomane 1516-1918 entre lesquels la chrétienté s’est épanouie sur un plan démographique.

L’essor démographique est la traduction d’une amélioration de leur situation sanitaire, éducative, économique, culturelle, signe de leur meilleure intégration au système politique ottoman. Ce « miracle démographique », nous avons vu qu’il pouvait résulter de certaines décisions du sultan ottoman, comme il pouvait s’être réalisé à son insu, tant la démographie agit de manière discrète, sans jamais se révéler au grand jour. Seuls des esprits supérieurs comme ceux d’al-Djahiz pouvaient en mesurer toute le pouvoir.

Par delà les chiffres, il reste à apprécier à sa juste valeur le rôle effectif que jouèrent les Ottomans, dans la remise à flot de leur chrétienté. Pour un Dimitri Kitsikis, ou un Claude Cahen, qui au delà des apparences, n’hésitaient à voir en l’Empire Ottoman une sorte de dyarchie gréco-turque[27] [27] Dimitri Kitsikis, L’Empire ottoman, Paris, Presses Universitaires…

suite, répondent les protagonistes du « mythe de la Turquie ottomane tolérante[28] [28] Alexandre Del Valle, La Turquie dans l’Europe – Un…

Aux historiens de trancher tant les passions restent encore vives. La démographie leur serait d’un grand secours pour dédramatiser le débat.

Mont-Liban compris (détaché de la wilayat de Beyrouth au recensement de 1881-1882).

Tableau 1 – Population des provinces du Bilad el Cham à l’époque ottomane, XVIe et XIXe siècles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tableau 2 – Diverses estimations de la population du Mont-Liban au XIXe siècle

 


 

Tableau 3 – Population du Bilad el-Cham en 1914 par communautés, frontières actuelles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Mont-Liban compris (détaché de la wilayat de Beyrouth au recensement de 1881-1882).

 

 

Tableau 4 – Proportion (%) de chrétiens dans quelques villes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes

[ 1] Cette étude est largement fondée sur les données et les analyses de Youssef Courbage et Philippe Fargues, Chrétiens et Juifs dans l’Islam arabe et turc, Paris, Fayard, 1992, et Payot, 1997.

[ 2] Pour une étude critique des sources voir par exemple, Justin MacCarthy, Muslims ans Minorities, The Population of Ottoman Anatolia at the end of the Empire, New York, New York University Press, 1983.

[ 3] « Les Arabes, étaient grossiers, sans instruction et peu habiles dans l’art de l’écriture et du calcul ; aussi prenaient-ils pour tenir leurs comptes des juifs et des chrétiens » écrivait Ibn Khaldoun dans sa Muqaddima.

[ 4] « Le Livre de la réponse aux chrétiens », « Le problème des Eglises », « La Honte aux gens de l’Evangile », « S’éloigner des Peuples de la Géhenne », voici quelques titres des ouvrages philosophiques d’Ibn Taïmiyya, in Mohamed Ben Cheneb, art. « Ibn Taïmiyya », Encyclopédie de l’Islam, 1e édition, 1913.

[ 5] Roman de Baïbars, Fleur de truands, Sindbad, Paris, 1986.

[ 6] Art. « Libya », « Tunisia », « Algeria », « Morocco », The Catholic Encyclopedia, Mc Graw-Hill, New York, 1967.

[ 7] Pour les recensements ottomans du XVIe siècle, voir Omer Lûtfi Barkan, « Contribution à l’étude de la conjoncture démographique des pays méditerranéens au XVIe siècle », Actes de l’Union pour l’Etude Scientifique de la Population, Londres, 1969, ainsi que l’article « Deftar-i Khakanî », Encyclopédie de l’islam, 2e édition, 1960, « Research on the Ottoman Fiscal Surveys », in M.A. Cook, Studies in the Economic History of the Middle East, London, Oxford University Press, 1970, « Essai sur les données des registres de recensement dans l’Empire ottoman au XVe et XVIe siècles », in Journal of the Economic and Social History of the Orient, n° 1, La Haye, 1958.

[8] Pour les recensements du XIXe et XXe siècles, voir Kemal Karpat, Ottoman Population 1830-1914 – Demographic and Social Characteristics, Madison, University of Wisconsin Press, 1985.

[ 9] Dominique Chevallier, La société du Mont-Liban à l’époque de la révolution industrielle en Europe, Paris, Geuthner, 1971.

[10] Issam Khalifé, Les nahia du Liban au XVIe siècle – Divisions administratives, démographie, religions et confessions, Beyrouth, 2004 (en arabe).

[11] On considère comme immigration internationale, celle qui provient de l’étranger ou d’autres régions englobées par l’Empire ottoman, telles que l’Anatolie, la Roumélie, l’Egypte, le Maghreb, etc. En outre, les migrations entre les diverses provinces du Bilad el-Cham sont à considérer, bien que des États aux frontières bien établies se soient constitués après la Première Guerre mondiale. Ces migrations internes, peuvent avoir joué un rôle important dans le peuplement chrétien de certaines zones, comme le Mont-Liban et Beyrouth, qui s’est alimenté d’un courant grec-catholique de la Syrie intérieure, Alep en particulier.

[12] En fait, la montée de la population chrétienne d’Alep aurait commencé durant les dernières décennies de la période mamelouk. Les Ottomans n’auraient fait qu’accélérer un mouvement commencé plus tôt.

[13] Muhammad Bakhit, « The Christian Population of the Province of Damascus in the Sixteen Century », in Benjamin Braude et Bernard Lewis, Christians and Jews in the Ottoman Empire, vo. II, New York, Homes and Meier, 1982.

[14] Issam Khalifé, Les paysans de la nahia de Batroun au XVIe siècle, Beyrouth, 2003 (en arabe).

[15] Calculs d’après les statistiques de élèves fournies dans Vital Cuinet, Syrie, Liban et Palestine. Géographie administrative, statistique et raisonnée, E. Leroux, Paris, 1896. La population des enfants d’âge scolaire a été obtenue à l’aide de modèles de population, appliqués aux effectifs de la population globale des wilayas.

[16] Une intuition géniale pour l’époque, tant le sens commun tend à penser le contraire.

[17] Philippe Fargues, « La démographie du mariage arabo-musulman : traditions et changement », Maghreb-Machrek, n° 116, Paris, 1987.

[18] Nassau Senior, A Journal Kept in Turkey and Greece, London, 1856.

[19] Richard Clogg, « The Greek Millet in the Ottoman Empire », in Benjamin Braude et Bernard Lewis, Christians and Jews, ouv.cit. Cet auteur signale que la version définitive du rapport de ce consul, fut ensuite expurgée de ce constat.

[20] Alain Duben et Cem Behar, Istanbul Households – Marriage, Family and Fertility, 1880-1940, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.

[21] Une reconstitution des familles de ces villes au XIXe siècle, un dépouillement de la presse écrite permettraient, selon la méthode utilisée par Duben et Behar de montrer la plus ou moindre pénétration des pratiques malthusiennes dans les différentes communautés.

[22] D’après Barkan, la mobilisation touchait 52000 piyadé et müsellem, 10000 timariotes en service et 10000 valets qui leur sont affectés, soit un total de 72000 militaires entre 1520 et 1535, Ömer Lûtfi Barkan, « Essai sur les données… », ouv.cit. Le taux de mobilisation a été calculé en rapportant les militaires à un effectif de population masculine en âge de porter les armes.

[23] Rapport du nombre des enfants de moins de 10 ans aux femmes d’âge fécond : 20-50 ans calculé au recensement de 1894. Le coefficient de corrélation pondéré entre la proportion de chrétiens et le rapport enfants-femmes est de +0,50.

[24] Dominique Chevallier, La société du Mont-Liban…, ouv.cit.

[25] Au recensement de 1932, 85 % des Libanais déclarés par leur famille comme émigrés à l’étranger étaient chrétiens.

[26] Amin Maalouf montre bien cependant, à travers les lettre de son grand-père, qu’au début du siècle, les Ottomans, même le Sultan Abdul Hamid, démonisé depuis, pouvaient jouir d’une sympathie certaine auprès de chrétiens du Liban, Amin Maalouf, Origines, Paris, Grasset, 2004.

[27] Dimitri Kitsikis, L’Empire ottoman, Paris, Presses Universitaires de France, 1985. Claude Cahen, La Turquie préottomane, Cependant Claude Cahen est un tantinet moins affirmatif que Kitzikis, « Présenter l’Empire ottoman comme un empire gréco-turc est une vue simpliste, mais non dépourvue de réalité ».

[28] Alexandre Del Valle, La Turquie dans l’Europe – Un cheval de Troie islamiste ?, Paris, Edition des Syrtes, 2004.

PLAN DE L’ARTICLE

•La lente décrue chrétienne

•Une étonnante prospérité sous les ottomans

◦D’utiles recensements

◦Une croissance différentielle

•Un débat qui reste ouvert

POUR CITER CET ARTICLE

Youssef Courbage « Démographie des communautés chrétiennes au Proche-Orient », Confluences Méditerranée 3/2008 (N°66), p. 27-44.

URL : www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2008-3-page-27.htm.

DOI : 10.3917/come.066.0027.