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Irak : "Nous sommes à l'écoute des religieux pour leurs projets" Mgr Pascal Gollnisch

Quel est votre sentiment au retour de votre voyage en Irak ?

C’est toujours une expérience forte de retourner en Irak car ce pays sort de lourdes difficultés mais connait encore une incertitude sur son avenir. Dans quelques jours auront lieu des élections législatives… d’un côté on voit la perplexité de la population, mais de l’autre, l’espoir peut naître de ce nouveau gouvernement. Le pays est dans l’attente, il faut par conséquent suivre cela avec attention.

 

Parlez-nous des différentes zones que vous avez visitées ?

Bagdad tout d’abord. Il y a beaucoup de chrétiens à Bagdad, certains disent qu’il y en a même plus que dans le Nord de l’Irak, mais le problème est que ces chrétiens sont éparpillés dans la ville et par conséquent ils sont en situation délicate. Nous cherchons à savoir comment nous pouvons les aider, selon les souhaits des communautés locales et de leur pasteur.

Dans le nord de l’Irak, nous sommes à l’heure de la reconstruction, les choses ont beaucoup bougé en peu de temps. Il y a 6-7 mois, les populations hésitaient à retourner notamment à Qaraqosh. Je garde le souvenir fort de mon premier voyage dans cette ville juste après le départ du Daesh, je me trouvais avec Mgr Mosche l’évêque de la ville, tout était totalement vide, c’était très impressionnant. Maintenant même s’il y a encore beaucoup de destructions et donc beaucoup de reconstructions à envisager notamment des maisons, Qaraqosh revit. La ville est organisée, il y a une répartition des quartiers. Des milliers et des milliers de personnes sont déjà revenus, des chrétiens, syriaques catholiques pour l’essentiel, des commerces ont ouverts.

Pour l’Œuvre d’Orient cela nous oblige à nous adapter au plus près du terrain dans une situation qui évolue de mois en mois. Il y a encore 6 mois l’objectif était de loger des déplacés qui avaient quitté leur ville et qui était dans le désarroi dans les environs d’Erbil. Aujourd’hui nous devons réajuster nos projets pour correspondre aux nouvelles attentes de la population, aux nouveaux besoins.

Deux questions demeurent pour nous ; comment fait-on pour redémarrer l’économie, ce qui nous dépasse car l’Œuvre d’Orient n’est pas le Fond Monétaire International mais nous pouvons essayer d’alerter et de mettre en relation des acteurs pour le redémarrage de cette économie. La seconde question qui viendra après les élections c’est l’avenir politique pour ces villes de la plaine de Ninive.

Nous sommes aussi allés à Mossoul. D’un côté il y a Mossoul-Est où la vie reprend ; il y a des embouteillages, des commerces. Du côté Ouest du Tigre en revanche la ville est totalement détruite, c’est un champ de ruines qui fait penser aux villes normandes pendant la Seconde Guerre mondiale, et là c’est très heurtant, très blessant. Ce sera très long et très difficile pour les habitants d’y retourner. La question qui se pose à Mossoul c’est ; comment les chrétiens peuvent-ils revenir ? Il y a des prêtres et des religieux qui sont décidés à revenir pour se mettre au service de ceux qui voudront retrouver leur vie à Mossoul. Plus que jamais l’Œuvre d’Orient sera à leur côté pour leur permettre de réaliser ce souhait.

 

Quels sont les objectifs de l’Œuvre d’Orient en Irak ?

C’est clairement la reconstruction et l’emploi. C’est le retour, c’est redonner des signes d’espérance. Par exemple à Mossoul nous essayons de voir pour la reconstruction d’un centre où la culture francophone pourra être mise en avant, ce qui pourrait être un signe de de reprise.

 

Quel est l’état d’esprit des religieux sur place ?

Les religieux sont très proches des populations donc leur état d’esprit est similaire ; il y a une perspective de retour mais aussi des questions d’incertitude, comme je l’ai dit sur le plan politique, sur le plan économique, sur le plan des reconstructions qui demeurent à faire.

Je crois que les religieux et religieuses ont repris confiance d’une certaine manière et parce qu’ils vivent les épreuves de la population, ils se demandaient eux aussi si le retour était envisageable ; si la population ne revient pas ils n’ont pas de raisons eux-mêmes de revenir… Maintenant je rencontre de plus en plus de prêtres, de religieuses qui disent que leur avenir est à Qaraqosh, dans la plaine de Ninive, à Mossoul. Un prêtre nous l’a dit d’ailleurs très explicitement « Je retourne à Mossoul, aidez-moi, si je retourne à Mossoul des fidèles reviendront avec moi ».

Au cours de notre voyage nous leur avons dit notre amitié. Nous sommes à leur écoute pour leurs projets.

 

Peut-on chiffrer le coût de la reconstruction ?

Environ 15 000 personnes sont rentrées à Qaraqosh donc les besoins sont énormes ; les maisons et les écoles à reconstruire, les églises à restaurer. Il s’agit pour nous de discerner ce que l’Œuvre d’Orient peut faire et doit faire selon la générosité de nos donateurs. Nous n’avons pas vocation à tout refaire nous-même donc il faut que nous trouvions des choses significatives, des choses symboliques au sens fort du mot symbole, qui redonnent la confiance, qui redonne l’espérance, des projets que peut-être d’autres ne feront pas car nous avons la capacité d’être dans la proximité avec les communautés ecclésiales.

 

Quels sont les projets phares passés ou à venir de la reconstruction ?

A Mossoul, nous avons restauré l’église Saint Paul (église chaldéenne) qui sera bientôt reconsacrée par le patriarche Sako et nous allons refaire la même chose pour une paroisse syriaque. Cette présence ecclésiale chaldéenne et syriaque à Mossoul est très importante.

Dans Mossoul-Ouest nous attendons de savoir ce que les dominicains souhaitent faire de leur couvent, certes abimé mais pour l’ensemble dans un état convenable. Nous allons sans doute réhabiliter une école dans la plaine de Ninive, ainsi qu’un dispensaire. En fin de compte c’est le travail plus habituel pour l’Œuvre d’orient que nous allons pouvoir mettre en place dans cette région.