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Iran : des jeunes dans l'expectative

Dès qu’on prononce le nom d’Iran, on pense nucléaire, pétrole ou peut-être caviar. Ce sont là préoccupations d’Occidentaux bien pensants et bien assis à coté de leurs centrales et arsenaux nucléaires, dans une belle voiture ou attablés à un festin bien arrosé ! Ou bien encore voit-on tchador et poings levés, au son d’Allahou Akbar ?

Chez nous, en Iran, les jeunes citadins surtout connaissent d’autres soucis.  Puisqu’ils représentent près de 95% de la population, commençons par évoquer quelques interrogations des jeunes musulmans.

Quelques interrogations des jeunes musulmans

« La religion dont on nous casse les oreilles souvent en famille mais toujours à l’école, à l’université, à la télévision et sur les murs de nos villes, peut-elle résulter d’une telle propagande ?

Qui donc est Dieu, lui que nos mystiques proclament non seulement la puissance mais la bonté ? Car chez nous aussi, Dieu est Amour. Dès lors, a-t-il vraiment besoin qu’on le défende à coup de cette propagande, de ces menaces, voire de ces condamnations et de ces guerres ? Et puis quelle place pouvons-nous trouver dans notre société si nous n’adhérons pas à tous ces dogmes ? Certes, notre liberté ne se laisse en aucune façon lier par des menaces. Encore faut-il vivre, trouver à travailler, à se loger, à se marier… Dès lors, comprendrez-vous cette tentation lancinante que représente la drogue officiellement interdite mais bien présente dans nos quartiers ? Entre bouillonnements courageux dans nos universités et lassitudes dans nos isolements, la tentation de l’émigration vers un Occident que nous imaginons comme un paradis, cette autre tentation de fuite se fait sournoise ».

 

Quant aux chrétiens de naissance ?

Quant aux chrétiens de naissance, que diront-ils ? Et pourquoi en parler alors que depuis des siècles nos manuels d’histoire de l’Église sont frappés d’amnésie – hors de l’Empire gréco-romain, pas de salut ! – et ont oublié l’existence d’une Église syrienne de l’Orient, Église de Perse qui a témoigné jusqu’en Chine avant de subir des massacres généralisés jusqu’au siècle dernier et qui perdurent sous nos yeux ? Mais que nous diraient-ils aujourd’hui, ces jeunes chrétiens orientaux qui vivent ou survivent en Iran ? Par exemple : « nous vivotons comme beaucoup de nos compagnons musulmans. Notre foi peut être une lumière, encore faut-il que nous dépassions la piété sincère et fervente de nos ancêtres pour connaître vraiment Jésus-Christ.

Mais comment ? Le plus souvent, nous manquons cruellement de lieu de formation, de catéchèse sérieuse, de ressourcement, de publications chrétiennes et même de Bible qui ne peut être diffusée que sous le manteau : aucun mouvement de jeunes, aucun séminaire si d’aventure nous pensions à la vie consacrée, aucun monastère pour nous aider à découvrir la contemplation…

Les JMJ, ce n’est pas pour nous, ni la visite d’un Pape. Quant aux textes du Concile, des Synodes ou des Encycliques, qui les a publiés en persan ? Pour ne rien dire d’un hypothétique renouveau de nos liturgies orientales magnifiques sans doute, mais souvent incompréhensibles ?  Certes nos quelques pasteurs s’efforcent de suppléer à ces manques cruels mais que peuvent-ils faire du fait de notre petit nombre, de notre dispersion à travers un pays très vaste, de la division de nos églises en infimes communautés superposées, et face à un contexte fort marqué par la religion musulmane ?

Dans une telle ambiance, nous pouvons sans doute garder la foi mais comment l’approfondir ? Et aussi comment en témoigner comme nous le demande l’Église en d’autres cieux ?

Pourtant cette ambiance quelque peu délétère nous force à réagir, nous aide à lutter contre la lassitude et à ne pas trop vite penser à émigrer… Ici, toutes les Églises réunies ne rassemblent guère plus qu’un chrétien pour mille habitants. Et nos Églises souffrent de multiples et profondes divisions. Dès lors, quel sera l’avenir de notre famille et celui de notre pays où nous sommes trop peu nombreux pour avoir une quelconque influence ?  Si certains posent la question de l’avenir des Églises au Proche-Orient arabe, ici, virtuellement, la question ne se pose plus… »

 

Faut-il faire allusion aux nouveaux chrétiens, qui découvrent Jésus-Christ ?

Ce n’est pas sans danger ni pour eux, ni pour nous occidentaux si souvent marqués par la tentation d’islamophobie… Ils représentent un nombre non négligeable du fait de l’insatisfaction des jeunes musulmans, lassés d’une religion légaliste alors que les grands mystiques musulmans leur ont appris que Dieu est Amour. De plus, des évènements surprenants viennent parfois éveiller leur conscience : un songe, ce qui est fréquent et fort biblique, une rencontre, un film, une émission de télévision venue de l’étranger : l’Esprit souffle où il veut avec une force étonnante ; qui pourrait l’étouffer ?

Les voilà donc en recherche, mais vers qui se tourner ? Car la porte des Églises reste le plus souvent fermée : « nous sommes des personnes indésirables, dangereuses car la police religieuse interdit aux prêtres de nous accueillir et, du point de vue des chrétiens, nous sommes d’abord des étrangers qui ne connaissent pas la langue de l’ethnie (arménienne ou assyrienne). Certains nous regardent parfois avec suspicion : sommes-nous venus espionner la communauté, ou désirons-nous fréquenter des jeunes filles chrétiennes ?

Convertis de l’Islam donc dangereusement rejetés par notre famille, nos amis, notre milieu de travail, difficilement accueillis par les communautés chrétiennes, il nous reste l’Esprit qui nous attire irrésistiblement vers Jésus-Christ et demeure notre Paraclet, Défenseur avant que d’être Consolateur… Mais avec sa force, saurons-nous demeurer fidèles au long des années et pourrons-nous un jour recevoir le Baptême, et peut-être même l’Eucharistie ? En cachette bien sûr ! »

 


L’Œuvre d’Orient a versé en 2010 en Iran comme allocation : 149 078 € *

* hors secours urgents, offrandes de messe, et bourses de séminaristes