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J+4 : À la rencontre des réfugiés palestiniens syriens

La délégation rencontrait aujourd’hui un patriarche Melkite, le grand moufti de Beyrouth, les autorités protestantes mais également d’autres réfugiés dans la région de Saïda, au sud de la capitale libanaise. Parmi eux, de nombreux palestiniens syriens.

La matinée commence par une rencontre avec le patriarche grec Melkite Grégoire III Laham, à qui l’appel de la délégation est présenté. Une initiative qu’il s’empresse de féliciter.

L’occasion également pour lui de rappeler qu’ensemble, chrétiens et musulmans, il faut « devoir, pouvoir et vouloir » construire le futur.  

Il rappelle l’atroce situation des réfugiés syriens « beaucoup de choses sont faites et cela reste toujours insuffisant« , et rejoint l’appel de la délégation : « il ne faut plus chercher à demander aux syriens de choisir un camp, il ne faut choisir que la paix, le plus vite possible« . Un message à l’Occident ? « Cessez de mettre la zizanie entre nous en nous instrumentalisant, et battez-vous pour la Syrie qui ne peut se faire qu’ensemble« .

Arrivée dans la ville côtière de Saida, où l’Islamic Welfare Association (ISWA), partenaire du Secours Islamique Français (SIF), attend la délégation pour présenter son action auprès des réfugiés syriens. Tour d’horizon de situations aussi diverses que dramatiques. Là encore les actions sont nombreuses : soutien scolaire, soutien aux veuves, aide à la préparation de l’Aïd, distribution de nourritures, produits hygiéniques, couverture, matelas, aide sociale, médicale…

Les enfants seront au pouvoir demain. Il faut les éduquer.

une école pour les réfugiés syriens

Un grand projet verra le jour dès l’année prochaine : la réhabilitation d’un bâtiment inachevé afin d’en faire une école pour enfants syriens, conforme aux programmes scolaires syriens (différents des libanais) et dont les enseignants seront eux-aussi des réfugiés syriens. La chargée de mission du SIF au Liban commente : « ces enfants seront demain au pouvoir en Syrie et construirons l’avenir, il est impensable qu’elle ne soit pas éduquée ». Cette école accueillera à la rentrée prochaine 440 élèves, une belle avancée dans cette région où le nombre d’enfants syriens à scolariser est passé de 1200 à 4800 cette année.

Quelques kilomètres plus loin un centre, une immense cour dans laquelle des enfants s’amusent, un four à pain, des douches misés à disposition, une cuisine et des habitations. 44 familles vivent ici, et quelques pièces sont réservée aux cas d’urgence comme l’explique l’un des salariés de l’association : « nous les gardons pour installer les syriens qui arrivent de nuit, avant de trouver une solution pour eux le lendemain« .

Parmi eux de très nombreux palestiniens syriens, dont les grands-parents s’étaient réfugiés en Syrie en 1948,  originaires du camp de Yermouk dans la banlieue de Damas. Dans 9m2 un couple ouvre sa porte, trois matelas, quelques épices, un seau d’eau, une petite valise. Ils vivent ici avec leur trois enfants âgés de 7 à 13 ans. « Ils pleurent souvent en nous demandant jusqu’à quand cette situation devra durer » raconte la jeune mère, « c’est impossible d’imaginer un avenir, nos enfants ne peuvent aller à l’école car nous n’avons pas les moyens de payer les transports pour s’y rendre« . Le père, journaliste en Syrie n’a pas pu trouver de travail au Liban, il est résigné : « Nous voudrions retourner un jour en Syrie mais nous n’avons aucun espoir. Que peut-on espérer ?« 

À quelques encablures, dans la vieille ville de Saida, le propriétaire d’un complexe de magasins à mis les étages gratuitement à disposition de 58 familles, soit 370 personnes. Les conditions y sont précaires et parfois même dangereuses, six toilettes seulement sont disponibles et les canalisations viennent de casser sous la pression, le toit s’effondre par endroit laissant craindre le pire avec l’arrivée de la pluie…

Myriam a 51 ans et vit dans une petite pièce avec son mari et leurs deux enfants. Impossible pour le père de travailler, et c’est donc le fils de 14 ans qui sert dans un restaurant pour rapporter quatre dollars quotidiens à la famille. La petite de neuf ans va à l’école. Ses larmes sont la preuve de son inquiétude : « avant notre quotidien était bon en Syrie et la vie n’était pas chère, désormais il n’y a aucun avenir possible pour mes enfants s’ils doivent travailler au lieu d’aller à l’école. Je veux bien partir n’importe où sans argent si un avenir est possible » explique-t-elle après avoir entendu que 17 pays occidentaux étaient prêts à accueillir des réfugiés. À l’étage du dessus Ziad, 50 ans, vit dans quelques mètres carrés avec 10 personnes de sa famille. Il déplore une situation insoutenable et ne rêve que d’un retour : « avant je rêvais de retourner en Palestine mais avec ce qui se passe je sens mon attachement à la Syrie et c’est là-bas que je veux vivre à nouveau ». Un rêve largement partagé par les autres réfugiés.

Retour à Beyrouth à la rencontre de représentants de la communauté protestante arménienne.

Un pasteur revient d’Alep et décrit un enfer avec le déplacement d’une immense partie de la population prise dans les affrontements entre l’armée et les rebelles. Leur aide est la même qu’ailleurs : nourriture, assistance médicale, aide scolaire, sociale, accueil dans les familles… Mais le nombre est difficile à porter et les libanais peinent à l’assumer :

« Nous devons désormais accueillir et aider avec de l’argent que nous n’avons pas ».  

Mais un des pasteurs présents adresse pourtant un message à la délégation, assurant de la détermination à gérer cette crise syrienne jusqu’à un retour possible : « ce peuple a ses racines ici, son histoire alors pitié, ne les encouragez pas à émigrer parce que leur place est ici, et à terme à nouveau en Syrie ». Deux jeunes étudiants syriens sont venus témoigner, Nazar a 23 ans et déplore une situation abominable : « nous vivons bien avec nos voisins musulmans, j’avais des amis musulmans à l’université mais maintenant nous ne nous parlons même plus. J’ai manifesté pacifiquement en 2011 pour demander des réformes, mais j’ai rapidement quitté cette guerre qui n’est pas la mienne. Et la France a pris part à cette fracture entre les syriens en se taisant, en laissant faire, puis en menaçant d’intervenir« .

La délégation se rend enfin chez le grand Moufti de Beyrouth afin de lui présenter son appel. Un message reçu avec joie, et encouragements : « je salue votre démarche et je souhaite que les politiques libanais prennent exemple sur vous, et oublient un instant leurs divisions pour s’occuper de ces réfugiés et du peuple libanais ». Rappelant les bonnes relations entre les représentants religieux au Liban, il regrette que le message religieux soit parfois instrumentalisé au détriment de la paix et de la justice. « Ce qu’il faut réaliser c’est qu’aujourd’hui c’est un peuple blessé qui accueille d’autres blessés. Cela mérite en effet admiration et encouragement. Les libanais ont besoin d’aide ». Pour l’avenir, en Syrie comme au Liban, l’échange entre la délégation et le Moufti est unanime : une bonne entente et une meilleure connaissance entre les religions est absolument nécessaire.