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Jusqu'au bout

Qaraqosh, plaine de Ninive, nord de l’Irak, 10 décembre 1948. Georges Paulos Casmoussa, 10 ans, marche avec un groupe de jeunes pèlerins le long du chemin qui conduit au monastère de Mar Behnam. Ils vont passer la nuit dans cet édifice chrétien du XIIe siècle, y fêter saint Behnam le Patron de Qaraqosh, leur ville natale. Deux heures de marche, au milieu d’une foule multicolore, chantant, priant et dansant. Dans cette région, c’est un rendez-vous annuel, auquel chaque habitant sacrifie. Le soir, au détour d’un couloir, le jeune Georges aperçoit une porte à moitié ouverte, d’où montent des voix. Il passe la tête et aperçoit un enfant de son âge, assis sur un coussin. C’est un élève du pré-séminaire du monastère. Il est entouré d’un groupe d’adultes, ses parents sans doute, qui l’écoutent en silence, respectueusement, comme les savants écoutaient Jésus au Temple. Expliquait-il un passage de l’Évangile ? Ou évoquait-il simplement le quotidien de sa vie « d’apprenti séminariste » ? Le jeune Georges est émerveillé. Il aimerait tant qu’on lui prête la même attention. Aussi, quand l’année suivante un religieux passe dans son école pour demander si certains ne veulent pas devenir prêtre, il lève spontanément le doigt. Il passera deux ans à Mar Behnam…

On ne se rappelle plus où ni quand Mgr Casmoussa nous a raconté cette histoire. Était-ce à Paris, à Qaraqosh ou à Beyrouth, les trois villes du triangle France-Irak-Liban où nous le rencontrons régulièrement depuis un certain nombre d’années ? Nous avons oublié, mais cette histoire nous interroge toujours : Et si le petit garçon qu’il était alors n’avait pas eu la curiosité de passer la tête par cette porte entrebâillée, que serait-il devenu ?

Travaillerait-il aujourd’hui la terre comme son père et son grand-père avant lui ? Passerait-il une partie de sa vie derrière le troupeau familial avec les Bédouins pour compagnons ?

Aurait-il arrêté ses études avant d’achever le cycle primaire comme son frère aîné Marzéna, pourtant si capable ? Le parcours d’une existence humaine tient à si peu !

La curiosité aura sorti Georges Casmoussa du commun pour lui offrir un incroyable destin : prêtre, fondateur d’une communauté, archevêque, auxiliaire patriarcal, penseur, écrivain, journaliste, directeur d’un journal. Parfait polyglotte, il aura voyagé sur les cinq continents, approché grand nombre de personnalités, traversé des coups d’état et des guerres, vécu une occupation et frôlé la mort une nuit de janvier 2005 à Mossoul (Irak). Un parcours extraordinaire lié aux événements qui ont fait non seulement l’histoire de l’Irak, mais celle du Moyen-Orient et du monde. En témoin obstiné, la foi chevillée au cœur, il raconte sa vie en répondant à nos questions. Une vie d’homme engagé, qui a toujours été jusqu’au bout.


Sélection du prix de l’Œuvre d’Orient 2012

Ouvrage disponible sur laprocure.com