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La nouvelle évangélisation vue d’Égypte

Quelle est votre première impression du Synode des Évêques auquel vous participez?
Un des points centraux partagés par tous est qu’avant de parler d’évangélisation, nous devons être évangélisés nous-mêmes. Cela signifie que les évangélisateurs ont besoin eux aussi d’être évangélisés. Nous avons donc fait appel à la conversion, à l’humilité, à la pénitence et à la prière pour pouvoir évangéliser.
Plusieurs thèmes ont été abordés, ceux concernant l’évangélisation et à qui elle s’adresse. En outre, on ne peut pas parler d’une nouvelle évangélisation mais plutôt d’une évangélisation renouvelée. L’accent a été plutôt mis sur la valeur d’une évangélisation renouvelée : c’est le style qui doit être renouvelé, les moyens et les méthode. L’évangélisation a pour seul objet Jésus Christ comme personne vivante.

Concrètement l’évangélisation renouvelée, comment se traduit-elle?
Nous devons retrouver l’enthousiasme de la première évangélisation. L’enthousiasme de la Pentecôte. Le feu de la Pentecôte doit brûler ardemment dans nos cœurs, pour nous ouvrir avec courage et avec joie, et l’enthousiasme de la première évangélisation doit retourner.

Quelles sont vos attentes de ce Synode, en particulier en tant qu’Évêque oriental ?
On attend beaucoup, on attend un réveil et un examen de conscience pour nous autres. Pour enfanter un style nouveau pour faire le ministère. Et on a beaucoup parlé aussi des relations avec nos frères musulmans et comment les évangéliser. On ne peut pas le faire seulement sur le plan théorique.
Dans mon intervention j’ai beaucoup parlé des activités qu’on propose dans l’Église et ils sont très nombreux les non-chrétiens qui y participent et qui fréquentent nos écoles, nos dispensaires, le travail de développement et de la promotion humaine. On peut faire ressortir le Christ par nos actions, notre amour, notre ouverture, notre respect pour les autres qui redécouvrent notre dignité. Beaucoup estiment ces activités sociales que l’Église catholique mène.
Il y a même eu des personnes qui nous ont dit : « Vous faites des activités qui dépassent vos dimensions ». Nous catholiques nous ne sommes pas très nombreux, mais l’Église est très présente et très active avec ces écoles, ces dispensaires, ces œuvres de charité. Nos œuvres sont ouvertes à tout le monde sans distinction, il y a beaucoup de musulmans qui y viennent et estiment beaucoup ce que nous faisons. Nous voulons construire des ponts avec nos frères musulmans. Pour nous l’important c’est être les témoins de Jésus Christ dans notre monde. Il y a des extrémistes qui nous disent : « Allez-vous en ! Vous pouvez facilement obtenir les visas pour l’Europe, pour l’Amérique, allez-vous en laissez-nous le Pays ! ». A ceux-là nous répondons : « Ceci est notre Pays et on doit y rester parce que nous avons une mission à faire, nous sommes le sel de la terre, nous sommes la lumière et l’avenir du monde. Nous sommes les témoins du Christ, les artisans de paix et de réconciliation, et les semeurs de la civilisation de l’amour ».

De quelle façon la communauté copte vivra-t-elle cette Année de la Foi ?
Juste avant mon départ pour le Synode, le Conseil pastoral composé de tous les représentants des diocèses de l’Église copte catholique et de toutes les autres Églises catholiques d’Égypte, des laïcs, des prêtres, et des représentants pour les religieux et les religieuses, on a organisé une rencontre de réflexion de trois jours, c’était surtout pour l’Exhortation Apostolique Post-Synodale Ecclesia Medio Oriente. L’Année de la Foi sera dédiée cette année à l’Écriture Sainte comme source de la foi.
On va se concentrer particulièrement sur la distribution de la Bible et l’encouragement de la lecture de la Bible en famille. Tous les jours lire un petit passage. Pour les jeunes on va organiser des séminaires sur la Bible pour les introduire à la foi adulte. Je dis toujours que nous devons faire le passage de la foi héritée de nos parents à la foi personnelle. De cette façon les jeunes croient parce qu’ils sont convaincus. Non plus une foi héritée par tradition mais une foi vécue.

Comment jugez-vous les récents faits divers des enfants coptes accusés de blasphème, et les violentes protestations contre le film anti-Islam ?
Nous avons publié une déclaration qui condamne ce film qui est contre l’Évangile qui nous enseigne à aimer et respecter tous. Ce film est également contre les enseignements du Concile Vatican II, dont on célèbre la cinquantième anniversaire cette année, qui invite au respect de nos frères musulmans.
En ce qui concerne le cas des deux enfants, il y a des gens qui exagèrent : qu’est-ce que des enfants aussi petits peuvent comprendre du blasphème. Mais heureusement il y a les organisations des droits humains qui ont protesté et qui ont pu influencer en faveur de la libération des enfants.

Certains craignent que l’Égypte devienne un autre Pakistan où les chrétiens seraient discriminés et persécutés, qu’en pensez-vous ?
Non, je ne le crois pas. Il y a des extrémistes c’est vrai, mais la majorité des musulmans est modérée selon l’enseignement de al-Azhar. Il y a eu des manifestations à Place Tahrir contraires à l’islamisation du Pays. L’un des slogans dit : « L’Égypte n’est pas une ferme », où quiconque peut entrer et faire ce qu’il veut. L’Égypte appartient à tous les égyptiens. Il y a des protestations également contre la Constitution qui ne représente pas tous les égyptiens, et en faveur de l’établissement d’un État civil..
Mais c’est surtout avec le dialogue de la vie et l’entente que nous pouvons gagner les cœurs de nos frères musulmans. Même des extrémistes. Surtout on avait beaucoup d’initiatives communes, un fois nous avons organisé une veillée de prière commune avec des représentants chrétiens et musulmans, et tout le monde est sorti de cette rencontre avec les larmes dans les yeux. La rencontre se tenait chez nous dans la cathédrale et il y avait des jeunes musulmans qui chantaient les chants chrétiens comme celui de Saint François d’Assisse, « Fais-moi instrument de ta paix », et chaque confession a fait ses prières. Il y avait même de jeunes musulmans qui s’étaient présentés spontanément pour prier, et ils ont vraiment parlé du fond de leur cœur. Après cette expérience, j’ai dit il faut qu’on élargisse cette initiative, il faut qu’on fasse cela partout en miniature dans toutes les paroisses pour semer l’atmosphère d’entente.

À quelques jours du premier anniversaire des événements de Maspero, la communauté copte craint-elle une recrudescence des actes d’intolérance et y a-t-il un risque qu’il y ait d’autres cas Maspero?
Je ne pense pas qu’il y aura un autre Maspero. Mais jusqu’à présent les responsables de ce crime n’ont pas encore été trouvés. Et la communauté copte se demande toujours qui a commis ce crime. On ne le sait pas, il y a un secret. Nous espérons que justice soit faite. Les coptes se sentent citoyens de deuxième catégorie. Leurs droits ne leur sont pas reconnus. C’est cela qui les blesse un peu. Mais nous espérons vraiment que le futur soit meilleur. Parce qu’au moins après la révolution du 25 janvier, on a la liberté et on a le courage de parler. Autrefois le copte ne parlait pas, il ne disait rien parce qu’il n’osait pas. Maintenant on parle, on demande, et tout le monde nous entend. Un jour ou l’autre nous aurons la justice.

L’élection du Pape copte n’a pas encore eu lieu et les délais sont dépassés…
Le 29 octobre les 2400 électeurs commencent la votation. Les représentants de la Diaspora également doivent voter. Ensuite le tirage au sort se déroulera le 4 novembre et le 18 novembre il y aura l’intronisation.

Y a -t-il des candidats favoris?
On parle beaucoup de Anba Raphael, l’Évêque de Wast al-Qahira, Wast al-Madina, du centre-ville. C’est un homme très pieux, très humble. On parle aussi d’un moine, Raphael, qui était le secrétaire de Cyril VI. Quelque soit le candidat élu, nous espérons qu’il soit capable de défendre les chrétiens.

En ce qui concerne l’élaboration de la nouvelle Constitution, jusqu’à présent il n’y a pas de mention de sharî‘a…
En fait la tendance c’est de maintenir le texte tel qu’il était dans la précédente Constitution. Ils veulent même ajouter une note comme quoi les non-musulmans se réfèrent à leurs législations respectives.

Comment voyez-vous l’avenir de l’Égypte ?
Nous prions beaucoup pour que l’Égypte devienne un État civil et démocratique. Nous essayons de parler avec ceux qui pensent émigrer, en leur disant que le Pays a besoin d’eux. Nous avons une mission à accomplir. Nous ne devons pas nous enfouir devant les difficultés. Mais il y a aussi de graves problèmes économiques, outre à ceux politiques, qui les poussent à émigrer.

Source Oasis

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