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L’esprit d’Assise à Bkerké (siège patriarcal maronite)

Par Fady NOUN, pour asianews,  le 20 mai 2014

A l’initiative des Pères Lazaristes au Liban et d’une association proche de Bkerké, la Fondation Adyan, une rencontre interreligieuse s’est tenue lundi au siège patriarcal maronite, autour d’une relique de Jean-Paul II. Sur le thème « Jean-Paul II et son message pour le Liban » ,  la rencontre a réuni, autour d’une relique du nouveau saint, un grand nombre de chefs de communautés religieuses chrétiennes et musulmanes  au Liban,  soit en personne, soit à travers leurs représentants.

Le président de la République,  Michel Sleiman, dont le mandat est sur le point d’expirer,   a tenu à s’associer de bout en bout à cette manifestation où les discours ont alternés avec des chants religieux exécutés par la chorale interreligieuse des enfants de Hammana (village mixte libanais) animée par Adyan.

Dans l’esprit de la rencontre interreligieuse d’Assise (1986),  la réunion  a permis aux chefs religieux musulmans et chrétiens de réaffirmer, loin des lieux communs,  « la solidarité spirituelle » qui les lie entre eux, au sein d’une patrie nommée Liban. Une patrie que Jean-Paul II a une fois pour toutes assuré qu’elle était « plus qu’un pays, un message de tolérance et de pluralisme pour l’Orient et l’Occident ».

La rencontre a clôturé une « visite » des reliques de Jean-Paul II au Liban, entamée vendredi dernier. Enchâssée dans une statue représentant le grand pape, la relique consiste en une  ampoule contenant un sang recueilli la veille de sa mort,  lors d’un examen sanguin.

Tour à tour le Mufti Mohammed Rachid Kabbani ( sunnite), le  mufti jaafarite Ahmad Kabalan (chiite) , le cheikh Akl druze, Naïm Hassan,  le Pasteur Habib Badre (Eglises évangéliques) , le Provincial des Pères Lazaristes, Jacques Haddad, Mgr Kayyal, représentant du Patriarche orthodoxe Youhanna X Yazigi, le représentant du patriarche des Syriaques orthodoxes et  le Nonce apostolique, Gabriele Caccia, ont pris la parole pour redire en profondeur  ce qu’ils doivent, et ce que le Liban doit à l’action inlassable déployée par Jean-Paul II pour sauver le pays de la disparition et en préserver vivante la vocation historique.

C’est ainsi que le Mufti a rappelé le souvenir  d’un homme « toujours vivant » dans la conscience des Libanais, et qui « gardait le Liban dans sa conscience, sa raison et son cœur,  aux jours les plus noirs de la discorde et de la guerre, et qui nous a rendu visite (1997) après s’être assuré  que nos différends étaient retombés ».

« Le Liban est sans valeur sans  la culture d’un partenariat véritable entre  ses communautés respectueuse des droits, et parmi ces droits, celui de la liberté religieuse » , a encore dit le Mufti, en se référant explicitement à l’exhortation apostolique « Une espérance pour le Liban » (1997) publiée après l’exceptionnel Synode sur le Liban tenu en 1995.  Dans la bouche du dignitaire religieux, ce texte semblait plus présent  et actuel que jamais.

Et le Mufti d’appeler à un Liban « modèle de l’unité dans la diversité dans le Monde arabe », qui doit servir, dans son esprit,  de modèle à un projet de « pacte moral fondamental » islamo-chrétien devant s’étendre, à partir du Liban, à tout le monde arabe.

Pacte entre l’Église et la Mosquée

Avec une éloquence qu’on ne lui connaissait pas, le mufti jaafarite Ahmad Kabalan, devait affirmer, de son côté,  que le Liban,  ce n’est pas la pierre solide « mais l’homme, qui est relique de Dieu ».

« L’Église et la Mosquée doivent produire  l’homme de l’amour, du partage et de la communion, c’est un pacte que le Liban doit sceller », a encore lancé cheikh Kabalan, qui a conclu par ces paroles : « La vie commune entre musulmans et chrétiens  doit s’incarner dans l’élection d’un nouveau président  qui doit en préserver l’esprit, avant même d’un préserver les institutions ».

On sait que le Liban est en pleine campagne présidentielle, en ce moment, et que l’incertitude plane sur la possibilité de l’élire dans le délai constitutionnel prévu  (avant le 25 mai), une perspective que les communautés chrétiennes au Liban redoutent.

Au Liban, rappelle-t-on, la présidence de la République revient, selon une coutume constitutionnelle, à un Maronite. Cette disposition s’inscrit dans le cadre d’un Pacte national qui incarne, aux yeux des Libanais, la volonté de vivre en commun entre chrétiens et musulmans, dans une égalité civique et une communauté culturelle totale.

Le chef de l’État libanais  est le seul chrétien du monde arabe à accéder à un poste aussi élevé au sein de l’appareil d’État

L’attachement aux valeurs morales  à dimension sociale et au Liban comme école du vivre ensemble   entre hommes de traditions religieuses différentes, était également évident dans le discours de cheikh Naïm Hassan (Druze) , qui a exalté « l’énergie morale de Jean-Paul II » , ainsi que les valeurs de la famille.

Raï: « Un nouveau président

Prenant la parole en dernier, le patriarche Raï a demandé , par l’intercession  de Jean-Paul II , qu’un nouveau président de la République soit élu « avant la fin de la semaine ».

Et de conclure : « Pour Jean-Paul II, le Moyen Orient a un besoin urgent de réconciliation. Mais une réconciliation véritable ne se fait pas aux dépens des droits. Un échec du Liban serait un échec dramatique de la liberté (…) Nous faisons à nouveau serment de protéger le Liban dans toutes ses composantes et d’y fortifier la convivialité et  la coopération, sur la base du respect des libertés et des droits de l’homme, dans la conscience que  le Liban est une valeur précieuse qui doit être mise au service du monde arabe et de la communauté internationale ».