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Liban : Intronisation du 77ème Patriarche Béchara Rahi

UNE ELECTION PLEINE DE JOIE, DE BONHEUR, ET D’AMOUR

L’évêque de Jbeil, Béchara Rahi, a été élu hier 77e patriarche de l’Eglise maronite, une élection unanimement saluée au Liban. Beaucoup voient dans le nouveau patriarche un homme d’institutions et de réforme. Un changement dans la continuité du rôle national joué par Bkerké.

C’est sous la devise « Communion et Charité », proche de celle du Synode qui s’est tenu en octobre dernier à Rome (« Communion et Témoignage »), que l’évêque de Jbeil, Mgr Béchara Rahi (71 ans), élu 77e patriarche de l’Eglise maronite, a placé son patriarcat. Avec sa courtoisie coutumière, avec l’aisance d’un homme rompu aux médias, le charismatique évêque de Jbeil, qui était depuis plus d’un an président de la commission épiscopale des communications sociales, l’a affirmé au cours d’une allocution de remerciements qu’il a prononcée en la chapelle du Patriarcat.

Il était d’abord apparu sur le perron du siège patriarcal, revêtu de ses ornements patriarcaux, aux côtés du patriarche Sfeir et du Nonce apostolique, et entouré des évêques membres du collège électoral, qui se sont disposés sur les escaliers de part et d’autre du perron. Son élection a de toute évidence pris de court l’assemblée, et aucune prière d’action de grâce ne s’est élevée à son entrée, dans la chapelle envahie par les journalistes. A peine a-t-il pu placer, pour compenser ce manque, un pater et un ave, en fin d’allocution.

Dans son discours improvisé, le nouveau chef de l’Eglise maronite a rendu grâce pour « la joie, le bonheur et l’amour » qui ont marqué le conclave à l’issue duquel il a été élu. « Nous n’avions jamais vécu d’élections comme celle-ci, pleine de joie, de bonheur et d’amour, Béni soit Dieu et béni soit son Esprit Saint », a-t-il dit, pour décrire le climat dans lequel s’est déroulée la retraite et les trois jours d’élections. « Les évêques peuvent vraiment dire « le Saint Esprit et nous avons choisi un patriarche », a-t-il renchéri.

 

UNE ELECTION RAPIDE

L’élection du patriarche a relativement été rapide. Mgr Rahi a reçu en particulier l’appui d’un groupe d’évêques qui souhaitait un changement radical de style à Bkerké, et l’avènement d’un homme d’institutions et de réforme, qui s’inscrive en outre dans la ligne de fermeté nationale incarnée par le patriarche Sfeir au cours des années de guerre.

Il fallu trois jours seulement pour que les deux tiers des voix du Conclave se portent sur le nom de l’évêque de Jbeil, qui se rapprochait les plus de ce profil. C’est au 12e tour de scrutin, dimanche soir, que la balance a commencé à pencher en sa faveur, a-t-il confié lui-même aux journalistes. « Tout était presque joué dimanche soir, a-t-il dit. Pour ma part, je priais dès le matin en demandant à Dieu de me donner le détachent intérieur dont j’avais besoin pour me dépouiller de toute attente personnelle et m’aider à accepter ce qui serait décidé, car personne de nous ne peux dire qu’il en est digne ou qu’il le mérite ».

Un ultime tour du scrutin, lundi matin, a confirmé l’attente de la veille. Le patriarche Rahi a été élu, avec 34 voix sur les 39 du collège électoral, selon la LBC. Toujours selon cette télévision c’est une visite du Nonce apostolique, dimanche soir, à Bkerké, qui a fait pencher la balance en faveur de Mgr Rahi, demeuré en lice face à Mgr Guy Noujeim (Sarba). Dans un premier temps, deux autres évêques se disputaient encore le suffrage de leurs pairs, NN.SS. Youssef Béchara ( Antelias) et Mansour Hobeika (Zahlé). Aucune confirmation indépendante de cette nouvelle n’a été obtenue. Du reste, si la candidature de Mgr Rahi a pu être « chuchotée » par le Nonce, elle a été défendue avec beaucoup de conviction par un grand nombre d’évêques qui lui ont apporté leurs suffrages.

 

LES CLOCHES DE BKERKE

C’est l’arrivée en milieu de matinée à Bkerké, hier, de la secrétaire de Mgr Rahi, qui a donné le signal officieux de l’élection. La nouvelle était ensuite communiquée à la présidence de la République et à la Nonciature apostolique, avant que les cloches de Bkerké ne la carillonnent, que les you-yous ne le diffusent sur les ondes et que les cloches des églises ne la répercutent aux quatre coins du pays. L’élection de Béchara Rahi dans un délai si court a surpris. Agréablement. « Il ne pouvait y avoir meilleure nouvelle ». Cette appréciation s’entendait dans la bouche de nombre de visiteurs venus à Bkerké vivre l’instant. « C’est l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut, au moment qu’il faut », entendait-on aussi. Au sein du clergé, qui le classait parmi les évêques du « premier rang», on avait déploré, avant le conclave, l’appartenance du nouveau patriarche à un ordre religieux, ce qui diminuait ses chances d’être élu. Son élection prouve que le Conclave a su dépasser cet apriori. Le nouveau patriarche n’a d’ailleurs pas manqué de le relever : «Le conclave a choisi d’élire un moine comme patriarche. C’est le signe que les ordres religieux monastiques, qu’ils soient masculins ou féminins, sont comme au cœur de la vie et de la mission de l’Eglise », a-t-il dit dans son allocution de remerciements.

« Nous aspirons à un surcroît de coopération et de travail en commun entre les diocèses et les ordres religieux, afin que nous accomplissions notre mission au Liban, en Orient et dans le Monde de l’émigration », a-t-il ajouté.

 En deux cent ans, c’est le premier moine à être élu patriarche, précise-t-on.

 

HOMMAGE APPUYE A SFEIR

Le nouveau patriarche a ensuite rendu un vibrant hommage à son prédécesseur. « La confiance et l’amour du patriarche et des évêques est venue reposer sur ma faiblesse et mes limites, a-t-il confié. C’est ainsi que j’ai été élu pour servir, avec eux, notre Eglise, servir Dieu et l’Evangile ». Il a vu dans son élection « le présent » que son prédécesseur faisait à l’Eglise, pour son jubilé patriarcal, en renonçant volontairement à ses charges patriarcales, en raison de son âge.

Le nouvel élu a rendu hommage « à l’esprit de prière, la patience, la douceur, l’amour, la constance, la dépendance sur la providence et la capacité à porter la croix » du patriarche Sfeir.

« Il a porté la croix avec patience, et nous a appris à la porter sur nos épaules et dans notre cœur », a-t-il affirmé, avant de remercier Mgr Roland Aboujaoudé pour son service comme administrateur de l’Eglise maronite qui, s’est-il rappelé, « m’a apporté la nouvelle de mon élection épiscopale il y a 25 ans, et m’a apporté aujourd’hui la nouvelle de mon élection comme patriarche ». Le nouveau patriarche a également remercié le Nonce apostolique, le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation des Eglises orientales et le pape Benoît XVI pour leur prière, et a exprimé la soumission filiale de l’Eglise maronite au Saint-Siège. Il a cité aussi, dans son mot, l’ancien président de la République, Amine Gemayel, venu à Bkerké – comme beaucoup de simples fidèles- , toutes affaires cessantes, les deux gardiens de Bkerké qui ont su garder le secret des délibérations et les représentants des médias.

LES BESOINS ET LES ATTENTES DE L’EGLISE

« Je salue le président de la République, ses proches collaborateurs et tout le peuple, a ajouté le patriarche Rahi. Nous priions pour eux. Avec le patriarche et les évêques, nous avons prié et passé en revue tous les besoins et toutes les attentes au Liban, au Moyen-Orient et dans le monde de l’émigration. Nous vous avons porté dans nos cœurs et nous avons envisagé les moyens d’être au niveau des attentes de notre peuple et des besoins de notre Eglise. Nous prions en particulier pour le Liban, pour une sortie de crise, pour qu’il prenne conscience qu’il incarne un message fondamental, comme l’affirme le grand pape et bientôt bienheureux Jean-Paul II, qui nous a rappelé que le Liban est un modèle et un message pour l’Occident, un message que nous portons dans nos prières au moment même où l’Orient vit des moments difficiles et dangereux ».

« Nous œuvrerons pour que le Liban joue à nouveau un rôle vital dans notre Monde arabe », dira-t-il un peu plus tard. Enfin, le Patriarche Rahi a évoqué la mémoire de ses parents décédés. A l’issue de son allocution de remerciements, le patriarche, près duquel se tenaient le patriarche émérite Nasrallah Sfeir et le Nonce apostolique, Gabriele Caccia, a reçu les chaleureuses félicitations de la foule des présents.

Les trois prochains jours seront consacrés aux félicitations, mais en fait, celles-ci ont commencé hier à l’annonce de l’élection, avec un afflux de visiteurs qui allait grossissant d’heure en heure, avec distribution de pâtisseries orientales par les proches venus de leur Hemlaya natal, village natal de Sainte Rafqa, fêter l’enfant du pays devenu patriarche.

Où se situe le nouveau patriarche, politiquement ? La question était hier sur toutes les lèvres. La réponse est venue de l’intéressé lui-même, qui a expliqué hier soir aux journalistes présents à Bkerké, qu’il a toujours inscrit ses déclarations dans le sillage des communiqués mensuels de l’Assemblée des évêques maronites, même si ses prises de position ont pu être parfois vertement exprimées. Le nouveau patriarche a ajouté que sa charge patriarcale lui imposera un devoir de réserve plus grand, mais qu’il continuera d’être la voix de l’Eglise, dans ses différents conseils, et non la voix d’une personne.

INTRONISATION LE 25 MARS : FETE DE L’ANNONCIATION

C’est le secrétaire général de l’assemblée des évêques maronites, monsignor Youssef Tok, qui a lu l’annonce officielle de l’élection du nouveau patriarche. Ce dernier, a-t-il dit, sera intronisé le 25 mars, date de la fête de l’Annonciation, dont le nom en arabe, Béchara, correspond au prénom du nouveau patriarche. Au lendemain de l’élection, les félicitations d’usage seront reçues au cours des trois prochains jours (mercredi, jeudi et vendredi), de 9h30 à midi et de 16 h à 18h30. Enfin, les félicitations seront reçues après l’intronisation patriarcale du 26 au 28 mars (samedi, dimanche et lundi), dans les mêmes horaires. Le nouveau patriarche célèbrera la messe d’actions de grâce le dimanche 27 mars à 10h30 à Bkerké.

écrit par Fady Noun, rédacteur de la chronique religieuse au journal l’Orient-le-Jour