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Liban : La cathédrale coupée en deux

Schisme ou diversité ?

Les fidèles des deux communautés trouvent que le mur est une entrave à leur témoignage chrétien, et qu’il est parfois un signe de discrimination et de manque de charité. Nancy (orthodoxe) proteste énergiquement en disant qu’il « est bien temps de détruire ce mur parce que l’unité est une nécessité. Je ne suis pas du tout fanatique, mais il y a des gens fanatiques qui nous regardent d’un œil discriminant parce que nous sommes orthodoxes. Oui, il est vrai que nous sommes très attachés à notre doctrine orthodoxe, mais il est très important que ce mur se détruise parce que le Christ n’a pas dit à ses fils : tu es maronite, tu es orthodoxe, tu es catholique ! ». Emile (catholique) dit dans le même sillage que « ce mur n’aurait jamais dû exister, parce que Dieu nous a donné l’unité, et parce que nous confessons tous le même Christ, maronites, orthodoxes et catholiques. Ce qui nous sépare n’est pas une question de foi, mais des mesures ecclésiastiques ».

C’est en s’adressant aux responsables ecclésiaux que les divergences se manifestent de manière flagrante. Fady, diacre de la cathédrale orthodoxe, rappelle que son Église considère la construction de ce mur comme un schisme. Il trouve que les initiatives sont lentes, et que la volonté de destruction du mur ne dépasse jamais le stade des paroles. Cependant, « même si cela se fait, il faut que les murs qui sont dans les cœurs soient détruits aussi, ces murs qui sont sources de faiblesse dans le témoignage ». Quant au père Joseph, curé de la cathédrale Saint Nicolas, il prend un ton plus dur que son diacre en disant : « Nous divisons cet endroit qui est supposé être le symbole de notre unité en Christ ! ». Il rappelle que plusieurs propositions ont été faites pour la disparition de ce mur, notamment celle de l’enlever et de faire de manière à ce que l’Église ne soit la propriété de personne. De la sorte les deux communautés organiseront leurs temps de prière. Il n’y a pas eu d’échos positifs à ce sujet du côté catholique. Le curé se consterne et ajoute : « Quel n’a été le choc des orthodoxes lorsqu’ils ont appris que cet endroit allait être transformé en musée ecclésial. C’est un lieu sacré dédié à la prière et non à l’exposition. C’est la première fois qu’on apprend au Liban qu’une église se transforme en musée ». Et enfin, le prêtre orthodoxe évoque les pourparlers avec le côté catholique : « À chaque fois que nous leur demandons pourquoi ce mur n’est pas détruit, nous obtenons la même réponse : il s’agit d’un symbole pour l’Église grecque catholique, parce qu’en 1724, c’est ici que tout a commencé ».

Symbole

Père Jihad, curé de la cathédrale grecque-catholique, confirme les dires de son homologue orthodoxe : « Le mur est un symbole, non seulement de séparation, mais aussi de la fondation d’une Église, il y a trois siècles ». À l’encontre de l’avis du diacre Fady, le prêtre melkite trouve qu’il n’y pas d’obstacle qui sépare les catholiques et les orthodoxes, « car ce mur nous l’avons détruit dans nos cœurs et dans nos esprits depuis longtemps ». Cependant, le mur de la cathédrale témoigne à son sens d’une époque passée dont il faudrait oublier l’aspect polémique. Mais comme histoire et archéologie, le mur « est important pour nous, parce qu’il témoigne de la fondation du premier ordre monastique des grecs catholiques ». Et le curé de dire explicitement : « Nous ne sommes pas très intéressés par la destruction du mur, et nous ne comprenons pas la division de la cathédrale en deux comme une blessure, mais comme un symbole historique et archéologique qui raconte l’histoire de la naissance de notre Église ». Père Jihad craint que la destruction du mur mène à l’oubli de cette histoire.

Récemment, l’évêque grec orthodoxe de la région, Élias Kfoury, a dit que le nouvel évêque grec catholique, Élie Haddad, lui a promis, lors de leur première réunion qui a eu lieu dans la cathédrale, de réunifier l’édifice. Haddad affirme de son côté que des pourparlers ont lieu avec Kfoury dans le but de résoudre le problème en détruisant au moins, une partie du mur. L’installation d’une porte qui s’ouvrirait durant certaines occasions ou célébrations communes est l’une des solutions qu’envisage l’évêque grec catholique.


Article d’Antoine Fleyfel paru le 09.06.2011 dans le numéro 3448 de l’hebdomadaire Témoignage chrétien

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