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L'Irak vit un moment crucial de son histoire dans laquelle les chrétiens doivent avoir leur place

« Une mosaïque de peuples compose l’Irak; si elle disparait, l’ensemble du pays s’effondre » affirme Amir Jaje mardi dernier devant une salle comble.

Ce dominicain, né à Qaraqosh vit à Bagdad où il a ouvert la Bagdad Academy, une « université » de Sciences Humaines accessible à tous. Créé en 2008, dans le but de participer à la reconstruction du pays dévasté par la guerre, la Bagdad Academy a su en quelques années s’imposer comme un espace de liberté, de dialogue, et de recherche, comme fondement d’une transmission du savoir et de la réflexion personnelle.

Le conflit actuel vient fragiliser tout ce lent travail de paix.

Pour Amir Jaje, il s’agit d’un « drame ». Il estime à 1 000 000 le nombre de réfugiés, déplacés qui subissent un double conflit :

  • confessionnel : sunnite / chiite
  • ethnique : arabe /kurde

L’Irak, un conflit confessionnel

L’EIIL souhaite purifier le pays pour en faire un état islamique où les autres communautés, dont les chrétiens, n’auront plus leur place.

Saddam Hussein avait dirigé le pays avec les sunnites. Depuis sa chute en 2003, les chiites sont au pouvoir et gouvernent.

« C’est la bombe sunnite qui explose » traduit le Père Amir Jaje. « Les sunnites n’en peuvent plus d’être marginalisés, et le gouvernement a une grande responsabilité dans ce conflit en refusant le partage du pouvoir »

 

La prise de Mossoul, facilitée par les habitants

Les habitants de Moussoul (1,5 à 2 millions de personnes) sont en majorité de confession sunnite. Ils ont aidé les 700-800 hommes de l’armée de l’EIIL à prendre la ville. Certains les ont même accueillis en libérateurs. Les militaires de l’État qui gardaient la ville et qui étaient sunnites, les ont laissés entrer.

500 000 personnes, principalement chiites  et environ 1200 chrétiens, ont pris la fuite. Ils sont partis à pied, en laissant tout derrière eux, vers les villages proches de Qaraqosh, Qaramles, Telkef, Al Qosh.

Qaramles. ©Gautherin

 

 

 

 

 

 

 

Il reste désormais, selon les sources, entre 20 et 100 familles chrétiennes, qui n’ont pas pu ou pas voulu sortir de la ville …

Selon Mgr Casmoussa, Archevêque syriaque catholique émérite de Mossoul et visiteur apostolique des Syriaques catholiques pour l’Europe, certains qui avaient pris la fuite sont revenus : « ils sont retournés pour pendre leurs affaires et revoir leurs maisons. Les prêtres, eux-mêmes, qui ont été forcés à fermer leurs églises et à se réfugier dans les villes chrétiennes de la plaine de Ninive, se sont rendus plusieurs fois Mossoul pour les mêmes raisons. La vie a repris son cours normal à Mossoul. Bien sûr, sous le contrôle des nouveaux venus. Sont-ils tellement nouveaux venus ? J’en doute. »

Selon le quotidien Le Monde.fr  à Mossoul « quasiment aucune coupure d’eau ou d’électricité n’est venue perturber le quotidien. Les services de voirie et de ramassage des ordures ont repris leurs tournées. Les hôpitaux de la ville fonctionnent comme à l’ordinaire. Les produits frais emplissent les étals et les stations-service ont été approvisionnées en essence. »

Une question reste en suspens : la « léthargie » du gouvernement face à l’armée en déroute.

Autre responsabilité très grave du gouvernement : Suite à ces prises de ville par les islamistes, le gouvernement a lancé une fatwa contre le jihad, contre les sunnites, qui risque de faire dégénérer le conflit en « chiites contre sunnites ».

De la même façon que pour Mossoul, les hommes de l’EIIL sont entrés dans d’autres villes sunnites avec l’ « acceptation » de la population locale.

Un conflit ethnique : arabe /kurde

  • La situation est très grave à Bagdad.

La prise du quartier sunnite de Bagdad par les islamistes serait très inquiétant. Cela entrainerait la partition de l’Irak en 3 zones : Kurde, Sunnite, Chiite.
Ce scenario catastrophe est très proche de la réalité. Les kurdes y sont favorables.
Les 100 000 à 150 000 chrétiens habitants de Bagdad ont peur, mais ne peuvent pas partir : les routes sont coupées. Les plus riches sont partis en avion, les autres restent et s’attendent au pire.

« On risque un bain de sang » témoignent ils . Les chiites attendent les sunnites l’arme au poing.

  • A Qaraqosh, la vie a repris son cours, selon Mgr Casmoussa

Les rebelles y sont rentrés et ils en sont ressortis. «  Rien n’a changé du côté Kurdistan. La route est ouverte entre Qaraqosh et Erbil. Pour l’instant, l’État islamique n’a aucun intérêt à annexer la ville car elle est bien tenue par 1 000 pechmergas, mais aussi parce qu’ils ne veulent pas ternir leur image auprès des minorités», confie Mgr Casmoussa.

Concrètement, si la vie à Qaraqosh est « normale », la zone reste privée d’électricité depuis 4 jours, pas d’internet, pas de téléphone, pas de service pour les 300 familles réfugiées…  et une chaleur torride (40 à 45°).

500 000 personnes vivent désormais dans cette plaine de Ninive et manquent cruellement de moyens.

Qaraqosh est protégée par les soldats kurdes, comme toutes les autres villes chrétiennes de la plaine de Ninive.

Qaraqosh.©Gautherin

 

 

Les facteurs régionaux

Cette guerre, comme celle en Syrie, dépasse les simples frontières irakiennes : il s’agit d’une guerre régionale entre le monde chiite (Iran, …) et sunnite (Arabie Saoudite, pays du Golfe, Qatar), qui soutiennent les combats avec des envois d’armes et aussi de terroristes. L’Irak et la Syrie sont un champ de bataille pour ces pays-là.

« Les irakiens ne demandent qu’à vivre tranquillement et sont les otages des politiques et des terroristes. » soupire Amir Jaje

 

Que peut faire la communauté internationale ?

La communauté internationale  qui est intervenue dans l’histoire irakienne à cause du pétrole a une grosse responsabilité dans ce conflit. La seule solution viendrait de l’extérieur (et non pas de l’intérieur).

La communauté internationale doit faire pression auprès des pays chiites – sunnites, qui « s’affrontent par Irak et Syrie interposées », pour régler le conflit.

 

Et les chrétiens ?

Le Père Jaje l’avoue, il n’a jamais été aussi pessimiste. Mais les chrétiens veulent continuer.

Les musulmans modérés le disent : « ils sont l’espoir de ce pays ; l’espoir d’une évolution vers la modernité. Ils sont des éléments de modération et de dialogue de la société. »

Comme chrétiens ils sont doublement victimes : ils veulent rester en Irak, ils ne veulent pas se considérer chez les uns ou chez les autres, les chrétiens habitent cette terre depuis le 1er siècle.

Leur rôle est de construire ce pays

« On veut continuer, les musulmans veulent qu’on reste »

Si les chrétiens partent, les musulmans modérés vont être forcés à l’extrémisme, ils vont être menacés autant que les chrétiens et que tous ceux qui veulent construire le pays.

« Notre vocation en tant que chrétien est de dire qu’on peut vivre ensemble »

L’Œuvre d’Orient

L’Œuvre d’Orient demande la prière de tous pour la Paix et lance un appel à la solidarité pour les réfugiés.

L’Œuvre d’Orient est extrêmement attentive à la sécurité des chrétiens dans la ville de Qaraqosh.

L’Œuvre d’Orient a débloqué une aide d’urgence pour soutenir l’action des évêques et des institutions religieuses sur place.


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