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L’Université Ouverte de Bagdad : un projet d’espoir pour l’Irak

En juillet dernier, nous vous annoncions l’ouverture de cette université ouverte, dans cette Newsletter de la commission des conférences épiscopale de l’Union Européenne, le Père Jaje donne de bonnes nouvelles de la rentrée de l’établissement.

 


 

Le projet d’Université Ouverte à Bagdad est une initiative des Pères Dominicains de Bagdad qui ont constaté la nécessité de créer un espace de liberté, de dialogue et de réflexion dans un pays dévasté par la tyrannie, la guerre, la rareté et la pauvreté de l’enseignement dispensé à des jeunes générations sacrifiées et sans avenir.

Si la présence permanente des Pères Dominicains en Irak remonte au 18ème siècle, leur implantation à Bagdad ne s’est concrétisée qu’en 1966. Ils y mènent depuis une mission d’éducation très appréciée (enseignement, publication de livres divers et pour enfants, commentaires…) et, bien entendu, de catéchèse et d’enseignement théologique au sein du « Centre Théologique ».

Mais depuis la chute de Saddam Hussein, les deux derniers volets confessionnels de leur enseignement ne sont plus assurés de manière ouverte, le gouvernement n’étant pas structuré pour offrir à la minorité chrétienne une protection qui permette à ses membres de continuer à se considérer comme des citoyens ordinaires de ce pays. La communauté chrétienne se trouve en effet menacée dans son existence même, économiquement asphyxiée, socialement marginalisée et contrainte à la clandestinité dans l’exercice de son culte. Nombre de ses membres se résignent donc à un exil douloureux.

Dans ces conditions, les Pères Dominicains ont choisi de s’adapter – plutôt que de renoncer – en orientant leur enseignement sur un projet éducatif laïque, destiné à participer à la reconstruction de leur pays en s’attachant à celle des esprits, esprits soumis depuis trente ans à la dictature, à l’absence d’information et de culture, et depuis dix ans, à la guerre, à la division, à la haine intercommunautaire et au terrorisme.

La culture et le développement de l’Homme en Irak ne sont pas aujourd’hui concevables et applicables selon des méthodes classiques, tant les clivages, les tensions et les ressources disponibles rendent caduques les modes opératoires habituels. Il était donc nécessaire d’oser une autre approche, d’imaginer un espace de liberté, de dialogue et de recherche comme fondement d’une transmission du savoir et de la réflexion personnelle.

En avril 2008, les Pères Dominicains de Bagdad ont donc audacieusement décidé de lancer un centre de réflexion sur le statut de la personne humaine dans la société, où l’on s’appuie sur les sciences humaines traditionnellement marginalisées dans cette région du monde, sur la philosophie comme terrain commun aux deux grandes civilisations présentes sur ce sol.

Abrité en plein centre de Bagdad, l’Université Ouverte est aujourd’hui construite à plus de 30 % sur un terrain situé en plein centre ville et partagé avec les Sœurs Dominicaines qui y ont une école. Ce terrain a donc été donné à l’université ouverte et couvre une superficie de 1700 m2. Déjà le centre de réflexion reçoit ses étudiants dans cette école en attendant l’achèvement des premières salles de cours. Il réunit jusqu’à 150 étudiants, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, de toutes communautés. C’est là une réussite extraordinaire pour qui connaît la situation à Bagdad.

Il reste à poursuivre et à achever la construction du bâtiment (salles de cours et de conférence), à l’équiper, à l’aménager et à acquérir le matériel nécessaire, tant pour permettre la diffusion des cours proprement dits que l’édition de nombreux documents, l’édition et la publication de livres et de commentaires, l’enseignement des langues.

Sortir de l’enceinte de l’Eglise pour établir un dialogue avec toutes les couches de la société irakienne, tel est l’élément fondateur du projet d’Université Ouverte. Ce travail qui a conduit les Pères dominicains à être à l’écoute et au contact de toutes les couches de la société irakienne peut se développer aujourd’hui dans un climat de liberté avec la levée de la censure mais avec aussi l’ardente nécessité d’endiguer des phénomènes de radicalisation et de fanatisme.

De tous côtés, des hommes veulent sortir l’Irak de l’ornière dans laquelle le pays est encore. Des tentatives de dialogue concluantes se sont nouées depuis les prémices de ce projet : il est fortement encouragé depuis son origine par les instances gouvernementales à l’intérieur de l’Irak et à l’extérieur du pays (diaspora).

Alors qu’il y a 25 ans, parmi les étudiants tous chrétiens, 50 % étaient non catholiques, aujourd’hui parmi les étudiants inscrits à l’Université Ouverte, 60 % ne sont pas chrétiens. Ce qui illustre l’ouverture de cette jeune université pour qui le Père Yousif Mirkis a deux exigences : la liberté qui est nécessaire à son ouverture, la qualité qui apporte sa pérennité.

Fr. Amir JAJE op. Vicaire provincial du vicariat provincial du monde arabe Supérieur des pères Dominicains à Bagdad

 


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