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Mar Moussa, un monastère havre de paix dédié au dialogue islamo-chrétien

Au cœur du désert syrien, en 1982, un jeune jésuite italien, Paolo Dall’Oglio, fonde la communauté monastique de Deir Mar Moussa en reconstruisant une bâtisse abandonnée depuis 2 siècles. Dédiée au dialogue islamo-chrétien, la communauté, mixte et œcuménique, accueille tout au long de l’année des milliers de musulmans ainsi que des visiteurs de toutes nationalités. Fort de ses trente ans d’expérience et d’engagement, Paolo Dall’Oglio témoigne de son appréhension de la dégradation de la situation en Syrie.

 

« Nous souhaiterions, pour commencer, vous mettre au courant de la situation. En montant au monastère hier soir, un moine portait sur ses épaules, tel un Saint Christophe, en le tenant par les mains, un enfant de deux ans et demi. Avec sa maman enceinte et ses trois sœurettes, il vient s’installer au monastère : c’est comme gagner à la tombola, même si la vie des chats du monastère est désormais plus compliquée ! C’est là l’une des retombées de la situation dans laquelle se trouve le pays. Combien de familles en détresse en ce moment ! »

 

L’angoisse d’une crise économique

 

« Aux préoccupations de sécurité, qui touchent aussi les familles de nos moines et moniales, s’ajoute l’angoisse diffuse d’une crise économique galopante. Le secteur touristique est d’ores et déjà complètement paralysé.

 

Jusqu’à Pâques, nous avons été assaillis par des centaines de visiteurs… Ce soir, nous accueillons une seule touriste, chinoise, et nous la regardons un peu comme une martienne. En revanche, ils sont nombreux ces jeunes, mêmes pauvres comme Job, qui viennent partager notre vie, pour lutter, dans la prière et le travail, contre le risque de dépression et de stress qui nous menace tous. »

 

Sur le front politique, c’est l’enlisement.

 

« Une partie de la population s’est clairement engagée en faveur du changement. Elle compte ses morts et est parfois contrainte à l’exil. Une autre partie se retrouve impliquée, avant tout du point de vue moral, dans la dérive répressive. Elle pleure aussi ses morts, elle s’afflige pour ses blessés et, plus généralement, pour une situation qui semble de plus en plus compromise. Cette société n’a pas la non-violence dans le sang, et évidemment, ce n’est pas non plus par des méthodes gandhiennes que le système de pouvoir a perduré depuis quarante ans. Pour que le changement advienne de manière pacifique, il faudrait un miracle… que nous sommes nombreux à implorer, ici en Syrie, et ce sur deux fronts : celui de la conservation et celui de l’innovation, qui se rejoignent dans le sentiment patriotique-religieux nous faisant dire : « la Syrie, c’est Dieu qui la protège ».

 

L’espace d’une médiation se dégage : des réunions importantes de l’opposition ont été autorisées et un débat commence à prendre forme, soutenu par la volonté populaire de ne pas tomber dans la guerre civile et la fragmentation de l’unité nationale. Continuer à vivre normalement, c’est un peu notre manière de résister, de passer le gué menant à une société plus humaine. […] »

 

La communauté monastique croît

 

« Seize personnes en comptant les postulants. Dans la partie hommes.

 

L’activité fromagère se développe dans des infrastructures modernisées et nous nous efforçons de poursuivre aussi nos projets pour l’environnement, encouragés en cela par l’intérêt de la population locale.

 

Mais la réalité pure et simple, c’est que l’absence de touristes nous met en risque de banqueroute. Si les choses continuent de cette manière, d’ici quelques semaines nous serons incapables d’assurer les dépenses relatives à nos collaborateurs laïcs : ce serait très grave, sur le plan humain bien sûr, mais également sur le plan des capacités, des connaissances accumulées au cours des ans. Rapidement, la vie de la communauté monastique deviendrait elle-même très difficile. Sans parler des familles dans le besoin, que nous aidons régulièrement. […]

 

Notre espérance

 

La perspective qu’il faut soutenir, c’est la maturation d’une société civile solidaire et équilibrée (microcrédit, petites coopératives de service, transformation de l’agriculture, pour passer de l’exploitation du sol à l’amitié avec la Terre, etc.). La stabilité de la démocratie aura besoin d’énergies renouvelables ! »


Pour mieux connaître ce monastère et la personnalité extraordinaire de son fondateur, vous pouvez lire :

Amoureux de l’Islam, croyant en Jésus, de Paolo DALL’OGLIO avec la collaboration d’Églantine GABAIX-HIALE, Ed. de l’Atelier – Avril 2009. Pour en savoir plus cliquez ici

Mar Moussa, un monastère, un homme, un désert, de Guyonne de MONTJOU Albin Michel – Mars 2006. Pour en savoir plus cliquez ici