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Lancement du CCARCO : "les irakiens qui ont fui leur pays, s’attendent à ce que les chrétiens les entourent en France"

Geneviève Delrue dans son émission Religions du monde, sur RFI, interroge Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient et président du CCARCO et le Père Pierre-Yves Pecqueux, secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques de France.

L’Église de France a annoncé mercredi dernier la création d’une plateforme de coordination destinée à soutenir l’accueil des réfugiés chrétiens d’Orient. Le CCARCO c’est son nom. Le Comité Catholique d’Accueil des Réfugiés Chrétiens d’Orient réunit une dizaine d’organisations, parmi lesquelles l’Ordre de Malte France, le Secours Catholique Caritas France, le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique. Pour Monseigneur Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient et Président du CCARCO, il ne s’agit pas de favoriser le départ des chrétiens d’Irak et de Syrie mais de mieux coordonner l’accueil de ceux qui viendront trouver refuge en France. Il s’explique sur l’origine et la vocation de cette plateforme.

Mgr Pascal Gollnisch : Le 31 octobre il y a 4 ans, il y a eu un attentat à la cathédrale syriaque de Bagdad. La France a été invitée par le Saint Siège à accueillir un certain nombre de blessés de cet horrible attentat et leurs familles. C’est vrai que c’était tout de même depuis des années assez nouveau de devoir accueillir en urgence des réfugiés, identifiés comme chrétiens, qui attendaient donc des communautés chrétiennes de France un soutien, un accompagnement. Il nous fallait mettre en place les instances pour faire ce service. Nous avions donc envisagé une cellule prête à se « réveiller », pour aider, pour soutenir l’accompagnement de ces personnes venant en France. Cela ne veut pas dire se substituer à l’action de l’État, ça ne veut pas dire que nous n’aidons pas ceux qui ne seraient pas chrétiens.

Les instances caritatives catholiques ont une grande tradition d’aider tous, quelle que soit leur appartenance, mais en même temps il nous faut aussi répondre aux attentes de ces chrétiens qui souvent sont obligés de quitter leur pays dans des conditions traumatisantes, parfois au péril de leur vie, parfois ayant perdu un proche, menacés en raison de leur Foi. Il est évident que quand ils arrivent chez nous ils ont aussi besoin de savoir que les chrétiens leurs frères sont à leurs côtés. C’est un service à rendre à ces personnes traumatisées qui arrivent chez nous et qui ont besoin d’être entourées.

Arnaud Finistre POUR LA CROIX
Arnaud Finistre POUR LA CROIX

Qui accueillerez-vous ? Qui recevrez-vous ? Qui aiderez-vous ?

Mgr Pascal Gollnisch : Il y a deux niveaux d’action :

  • Accueillir tout réfugié parce qu’il est réfugié, de même que nous souhaitons aider tout pauvre parce qu’il est pauvre, que nous souhaitons soigner tout malade parce qu’il est malade, sans demander son certificat de baptême.
  • Et puis dans cette action-là, il y a une action un petit peu spécifique qui fait que les fidèles chrétiens doivent aussi être accompagnés quand ils arrivent dans un pays comme le nôtre. Des gens qui ont fui leur pays, encore une fois dans les conditions que je viens d’évoquer, parce qu’ils étaient chrétiens, s’attendent à ce que les chrétiens les entourent. Donc il faut que nous menions ces deux aspects qui sont les deux aspects d’une même action.

Alors qui vient en France ? Ce n’est pas nous qui décidons. C’est d’abord la décision des intéressés eux-mêmes. C’est chaque personne qui prend la décision redoutable de quitter son pays, nous espérons dans l’idée de retourner chez eux un jour, mais ce n’est pas sûr. C’est quand même une décision très lourde, très traumatisante. C’est d’abord la décision des personnes, ensuite du fait qu’ils viennent en France, c’est aussi la décision des pouvoirs publics.

L’Église, elle, n’incite pas les gens à partir, elle ne leur interdit pas non plus de partir, elle constate simplement des choix librement posés par des adultes, en lien avec les pouvoirs publics français.

Dans ce cadre-là, il appartient aux instances catholiques et aux grands organismes proches de l’Église catholique, de jouer leur rôle de l’accompagnement de ces personnes qui ont fait ce choix et qui sont accueillies par les pouvoirs publics.

 

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Vous revenez d’Erbil, vous avez entendu beaucoup d’Irakiens exprimer leur désir de partir ?

Mgr Pascal Gollnisch : C’est une évidence. Je n’ai pas vu de gens qui étaient encore à la rue, j’ai vu des gens qui sont sous des tentes, il va bientôt y avoir un hiver rigoureux dans cette région de pluie, de neige, des gens qui sont dans des immeubles en construction où il y a simplement le béton, il n’y a pas de fenêtres, il n’y a pas de portes, pas de cloison, c’est à tous vents. Des gens qui ne savent pas où est leur avenir, des gens qui encore une fois sont traumatisés, ils ont vu la mort de près.

Si vous leur demandez « Est-ce que vous voulez quitter l’Irak ? Est-ce que vous voulez venir en France ? », ils répondront « Oui, bien sûr ! On aimerait mieux, plutôt que d’être dans ces conditions. ». Il suffit simplement de se mettre à leur place : vous êtes avec votre famille sous une tente, comme ça brutalement, vous avez dû quitter votre maison, vos biens, etc., on vous propose de quitter cette région en guerre pour venir dans un pays en paix et dans un pays qui a quand même une certaine richesse, malgré tout ce que nous pouvons penser de notre propre pays, c’est évident qu’ils veulent tous quitter l’Irak. Maintenant si la question posée est « Qu’est-ce que vous préférez : quitter l’Irak ou rentrer chez vous dans des conditions dignes et de sécurité ? » Les gens, ce sont des irakiens, donc ils aiment leur pays, donc ils aimeraient pouvoir rentrer chez eux dans des conditions de sécurité : non pas rentrer chez eux en ayant de l’autre côté de la rue ou à un kilomètre des terroristes qui les menacent, mais rentrer chez eux dans de vraies conditions de sécurité. C’est ça qu’ils préfèreraient, et c’est ça que nous devons aussi travailler parce que nous ne pouvons pas nous résigner à donner le dernier mot ce pseudo « état islamique » qui veut obliger les chrétiens à quitter ce pays. Nous ne pouvons pas être les complices, même involontaires de cette action, donc ce à quoi nous devons travailler aussi c’est à obtenir des pouvoirs publics, de la communauté internationale que ces gens aient la possibilité de rentrer chez eux dans des conditions de dignité et de sécurité. Une fois rentrés chez eux, s’ils considèrent que leur avenir est d’émigrer, c’est un libre choix et l’Église catholique reconnait ce libre pouvoir de décision. Personne ne peut leur interdire, même si nous souhaiterions qu’ils puissent rester dans leur pays. Mais une chose est de prendre cette décision d’émigrer quand on a retrouvé sa maison, quand on a retrouvé ses esprits, sa confiance etc. C’en est une autre lorsque l’on est dans une émotion traumatisante parce qu’on est encore sous une tente.

S’agit-il d’un devoir d’Église de concourir à l’accompagnement social et humain des réfugiés chrétiens d’Orient ? »

Père Pierre-Yves Pecqueux, Secrétaire Général adjoint de la Conférence des Évêques de France : Tout à fait, c’est un devoir d’Église, le Pape François nous y pousse, mais de toute façon l’Église, sur la question des réfugiés, doit être intraitable et s’engager absolument. Ce qui est intéressant, c’est qu’au fond, ce sont les évènements qui nous poussent à travailler ensemble, on devrait le faire beaucoup plus. En plus, il me semble que le lien avec l’État s’est trouvé à la fois renforcé et purifié. Renforcé parce que l’État aussi se pose beaucoup de questions sur cet accueil, et l’État a besoin de s’appuyer sur un certain nombre de structures et de structures fiables. Et puis l’autre aspect, c’est le fait qu’entre nous, nous avons des richesses, des compétences, que nous ne partageons pas assez. Certains sont des spécialistes de la question du suivi des papiers, de la reconnaissance du statut social, de la mise en place du statut de réfugié et de la protection sociale. D’autres sont plus à même d’accompagner des questions, par exemple linguistiques, pouvoir apprendre le français et pouvoir vivre dans notre pays. D’autres encore, la question de l’accueil des enfants, y compris en milieu d’année scolaire. Tout le travail avec l’Enseignement Catholique est une richesse actuellement, ce qui montre bien qu’il y a une volonté de pouvoir ensemble répondre à une situation qui est une situation d’urgence, mais en même temps de la faire sans que ce soit une structure de plus, comme l’a dit Monseigneur Gollnisch tout à l’heure. Ce sont bien des compétences de différents organismes qui se retrouvent sur un même idéal du service, en particulier du réfugié, pour pouvoir dans notre pays, dans les diocèses, répondre à cette situation aujourd’hui.


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