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"Notre monde arabe est dans l’attente de la naissance d’un monde nouveau, en Syrie, au Liban, en Irak et en Palestine"

De Gregorios III, serviteur de Jésus-Christ,
par la grâce de Dieu Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient,
d’Alexandrie et de Jérusalem,

À nos Frères les Hiérarques, membres de notre Saint-Synode, et tous nos enfants dans le Christ-Jésus, clergé et fidèles, appelés à être saints avec “tous ceux qui, en quelque lieu que ce soit, invoquent le Nom de Jésus-Christ, notre Seigneur, le leur et le nôtre ; à vous grâce et paix de par Dieu, notre Père, et le Seigneur Jésus-Christ” (1 Corinthiens 1, 2-3).

(EXTRAITS)

L’Incarnation est Rencontre

Maintenant, ô Maître souverain, Tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur s’en aller en paix. Car mes yeux ont vu ton Salut, que Tu as préparé à la face de tous les peuples, Lumière pour éclairer les païens (Luc 2, 29-31). C’est ainsi que s’exclame le vénérable vieillard Siméon, quand il reçoit dans ses bras le Seigneur de l’univers. C’est la clôture des fêtes et des événements en relation avec la Nativité du Christ. Elle est appelée Entrée de Notre Seigneur Jésus-Christ au Temple. En grec, elle est appelée Hypapante, qui veut dire rencontre. C’est en premier lieu la rencontre entre Dieu et l’homme. (…)

Le terme “rencontre” se répète aujourd’hui plus que jamais. Des rencontres sont organisées à tous les niveaux. Malheureusement, elles n’apportent pas toujours le bien que l’on en attend. C’est parce que Dieu est étranger à ces rencontres. Cependant, Dieu ne cesse d’aller à la rencontre de l’homme, pour emplir sa vie de bien, de bénédictions et de bonheur. C’est justement le sens des fêtes de Noël, dont cette fête de la Présentation de Jésus au Temple marquera la clôture. (…)

La rencontre de Dieu avec nous et son entrée dans notre vie remplissent notre cœur et donnent à notre vie toutes ses dimensions existentielles. C’est ce que nous chantons dans l’Ikos 14 de l’hymne Acathiste : Ayant vu une naissance étrange, soyons étrangers au monde et élevons nos cœurs et nos esprits vers le ciel. Car Dieu a voulu justement apparaître pour nous sur cette terre comme un homme humble, car Il a voulu attirer vers le haut ceux qui l’acclament en chantant : Alleluia !

(…) Le vieillard s’approche et prend l’enfant Jésus dans ses bras et entonne ce chant Maintenant, ô Maître souverain, Tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur s’en aller en paix, que nous répétons chaque jour à la fin des Vêpres dans le rite gréco-byzantin. C’est comme si nous disions au revoir à la vie pour en recevoir une autre chaque soir, pour accueillir le Roi de tous ! Le prêtre récite aussi ce chant d’action de grâce à la fin de la Divine Liturgie.

(…) Jésus s’adresse à ses disciples : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi. C’est moi qui vous ai choisis et établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure (Jean 15, 16)… Il nous exhorte à Le rencontrer et à rencontrer les autres : Allez dans le monde entier ! Proclamez l’Évangile à toute la création ! (Marc 16, 15).

Ainsi nous voyons Jésus sur les chemins des hommes et des femmes, de tous et de toutes, sur les chemins de la Palestine, ses vallées, ses collines, de Capharnaüm à Nazareth, en Samarie, jusqu’à Jérusalem. Il est Dieu en route, sur les chemins des hommes.

L’évangile tout entier est un appel à la rencontre. Marie, dans cette fête de la Rencontre, livre Jésus à l’humanité, au monde, par l’intermédiaire de Siméon. Elle donne Jésus au monde. Elle l’a porté dans son sein. Elle Lui a donné naissance dans une grotte. Maintenant, elle Le livre à Siméon dans le Temple. Cela veut dire qu’elle Le livre à l’Église.

C’est le sens de l’icône de Marie dans la tradition gréco-byzantine. Elle n’est jamais représentée seule, mais toujours avec Jésus, qu’elle offre, qu’elle montre au monde, et elle appelle les hommes à Le rencontrer. C’est pour cela que nous insistons auprès de nos fidèles pour qu’ils conservent leur tradition orientale très expressive, de sorte que l’icône de la Vierge Marie la représente toujours avec son Divin Fils, Jésus. De même, quand leur piété les pousse à ériger un petit oratoire dans une rue, ou même une statue, nous leur demandons que Marie soit toujours avec son Fils Jésus. Ainsi, Marie mène les croyants à Jésus… elle montre, comme nous disons dans l’Acathiste, Dieu qui aime les autres. Cette icône s’appelle Odigitria : celle qui montre le chemin.

(…) Tout comme la mission de Jésus est la rencontre de Dieu avec l’homme, de même la mission de l’Église est la rencontre de Dieu avec les hommes et la rencontre des hommes entre eux. C’est pourquoi les sacrements (mystères) de l’Église sont les sacrements de la rencontre de Dieu avec les hommes et de l’homme avec Dieu et son frère. Les sacrements de l’Eglise sont les sacrements de la communauté.

Ainsi le Baptême est le sacrement de la rencontre avec le Christ. Vous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. C’est aussi la rencontre avec la communauté de ceux qui croient en Jésus, qui s’appelle l’Eglise.

L’Aghion Myron (ou confirmation) est le don de l’Esprit à la communauté croyante, car c’est l’Esprit qui vivifie la communauté et la rend communauté.

L’Eucharistie est le sacrement de la communauté dans ses plus belles expressions. Le terme “liturgie” veut dire l’œuvre de la communauté, du peuple. Et la Communion unit le fidèle au Christ et au frère dans le Christ. C’est ce qu’affirme Saint Paul dans sa Première Épître aux Corinthiens où il abonde dans l’explication de la relation entre les membres du corps entre eux, et la relation des fidèles avec le Christ et entre eux-mêmes, dans l’Église et à travers l’Église (1 Corinthiens 12, 12-30).

Le sacrement du Mariage est encore le sacrement de la rencontre par excellence : le père, la mère, l’époux, l’épouse, les enfants… La famille est le lieu de la rencontre humaine par excellence.

Le sacrement de l’Ordre sacerdotal est le sacrement de la consécration au service de Dieu et de la communauté dans l’Église.

Le sacrement de la Pénitence est celui de la marche de la communauté vers la sainteté. C’est le sacrement qui restaure la relation des fidèles avec Dieu et entre eux. Le péché détruit la relation avec Dieu et avec les autres hommes. Le péché est le contraire de la rencontre. Il éloigne l’homme de Dieu et de son frère.

Le sacrement de l’Onction des malades est celui de la guérison de l’homme et de la femme, et de la rencontre de l’Église avec l’homme souffrant. C’est le sacrement de la préparation de l’homme à la rencontre avec Dieu dans l’éternité.

La rencontre se réalise dans la famille, qui est le lieu naturel quotidien pour ses membres. C’est pour cela que nous exhortons nos familles à intensifier les occasions et les aspects des rencontres familiales, dans la joie, la prière, la méditation, la lecture de l’Evangile, et à manger ensemble, à faire des excursions et des promenades ensemble, à assister à la Divine Liturgie ensemble, et à participer aux activités de leur paroisse.

Saint Jean Chrysostome parle de la famille en la décrivant comme une “Église domestique” ou aussi “Église de la ville”, c’est-à-dire Église de la société, car la force de l’Église l’aide à remplir sa mission dans la ville et dans la société.

Je voudrais appliquer le chant de Siméon et ces invocations à ma vie, surtout quand je regarde autour de moi. Je vois qu’un grand nombre de ceux de mon âge, dans ma famille, dans mon Ordre religieux, mon Église, mon Patriarcat, parmi mes amis de diverses nationalités, responsabilités et dignités, m’ont devancé à la rencontre du Seigneur dans la vie éternelle.

C’est pour cela que cette prière sort de mes lèvres et de mon cœur, comme Siméon, plus que jamais, et je la répète à la fin de la Divine Liturgie quotidienne, avec désir, abandon à la volonté de Dieu, confiance et ardeur. Nunc dimittis ! “Maintenant, ô Maître souverain, Tu peux…” Avec Saint Jean, je crie comme à la fin de l’Apocalypse : “Maran ata ! Viens, Seigneur Jésus !” (Apocalypse 22, 20).

Le chant de Siméon résume la spiritualité du temps, de la durée, de l’attente des vierges qui vont accueillir l’Époux au milieu de la nuit. C’est cette spiritualité que nous trouvons dans le cœur de nos prières liturgiques des heures, dans la prière de minuit (qui a disparu même dans nos monastères), dans le Paraclitique, dans les Ménées. C’est une spiritualité qui nous fortifie devant les difficultés de la vie et nous met en état de continuelle préparation pour recevoir l’Époux, comme nous le voyons dans les prières de la grande Semaine Sainte. “Voici que l’Époux vient à minuit. Heureux le serviteur qu’il trouve éveillé !”.

Veiller ! C’est la devise de mon patriarcat. Veiller est le programme de ma vie ici-bas, et de ma préparation pour la vie d’en-haut. Comme sont belles nos prières, surtout celles du Grand Mardi, qui sont des prières si ardentes pour la rencontre avec le Seigneur Jésus ! En voici quelques extraits :

Frères, brûlons d’amour pour la rencontre de l’Époux, tenons nos lampes allumées ; que brille d’éclat de nos vertus et que resplendisse la vraie foi ! Comme les vierges sages du Seigneur préparons-nous à entrer dans la salle du festin, car à tous le divin Époux nous offre la couronne d’immortalité” (Cathisme de l’Orthros du Mardi Saint).

Pauvre âme, pourquoi cette indolence et l’obsession de vains soucis ? Pourquoi t’occupes-tu de ce qui passe et disparaît ? Voici la dernière heure et nous devrons nous séparer des choses d’ici-bas ; réveille-toi, puisqu’il est temps encore, et crie su Sauveur : Contre Toi j’ai péché, ne m’arrache pas comme le stérile figuier ; fais-moi grâce dans ta miséricorde, Seigneur, et vois mon effroi ; ne nous ferme pas les portes de la chambre du Christ !” (Ikos de l’Orthros du Mardi Saint)…

(…) A vous tous et toutes, mes chers, j’offre mes vœux pour cette Fête de l’Incarnation divine dans la Fête de Noël, Fête de la Rencontre, de l’amitié, de l’enrichissement mutuel, du respect, de la compassion, de la miséricorde et de l’amour.

Nous vous invitons à multiplier les différentes sortes de rencontres dans vos milieux, surtout les familles, à vous rencontrer dans les repas, la prière, les réunions d’amitié, l’allégresse. Sinon, nos familles deviendront des îles, chacun devant son ordinateur ou son téléphone portable ou son twitter. Ainsi on est en contact avec ce qui est très loin et on délaisse ce qui est tout proche. Nos familles ont besoin de se rencontrer continuellement. Nos enfants ont besoin de l’amour de leurs parents, de les rencontrer. Tout comme les parents ont besoin de l’amour de leurs enfants.

“Maintenant, ô Maître souverain, Tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix”. C’est le grand désir de Dieu, qui devient une rencontre. Siméon nous invite à cette rencontre. Il a longuement attendu, avec patience, pour voir le Salut de Dieu. Saint Paul nous parle de la longue et douloureuse attente en disant : “Ainsi la création attend-elle avec impatience cette révélation des enfants de Dieu” (Romains 8, 19).

Notre monde arabe est dans l’attente, en grande attente de la naissance d’un monde nouveau, surtout en Syrie, au Liban, en Irak et en Palestine, dans l’attente de voir la fin des années de guerre, de douleurs, de souffrances, d’endurcissement, de tuerie, de mort et destruction.

Nous recourons à la prière pour que se réalise le salut et finisse le chemin de croix de notre souffrance. Nous avons pour cela réalisé une initiative de prières durant 30 jours, chaque jour dans une église différente de toutes les communautés chrétiennes de Damas, du 22 septembre au 22 octobre. Ensuite, nous avons lancé un appel à la prière dans la famille, demandant à chacune d’elles d’allumer un cierge chaque soir et de se réunir pour la prière pour la paix en Syrie, avec une lecture spirituelle dans l’Évangile. En cela, nous répondons à l’appel du Pape François.

A tous et partout, je souhaite d’accroître dans leur vie le potentiel de la rencontre, afin de porter aux autres la joie de l’Évangile et de les aider à rencontrer, à leur tour, le Christ Jésus. Ainsi l’Enfant Nouveau-Né, Dieu d’avant les siècles, sera pour chacun une Lumière qui éclaire son cœur, comme dit Saint Pierre dans sa seconde Epître, jusqu’à ce “que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs” (2 Pierre 1, 19).

“Maintenant, ô Maître souverain, Tu peux…”. C’est la flamme de l’espoir, de l’amour, de la passion, du bonheur et de la joie. Nous prions pour tous et toutes, afin qu’ils rencontrent le Seigneur et Sauveur dans leur vie. Nous les invitons à faire mémoire comme nous, tous les jours, de Notre Dame Marie, Mère de Dieu, qui a offert son Fils au Temple, et de tous les Saints, confiant-nous, nous-mêmes, les uns aux autres et toute notre vie au Christ notre Dieu”.

“Maintenant, ô Maître souverain, Tu peux…”. A la fin de la Divine Liturgie et des Vêpres, tous les jours nous répétons cette prière, attendant quotidiennement la venue de Dieu dans notre vie ici-bas, pour nous conduire à la vie éternelle, y rencontrer le Seigneur et être toujours avec Lui.

Joyeux Noël ! Bonne et sainte année 2015 !

Avec mon affection, ma bénédiction et ma prière.

 

+ Gregorios III

 

Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient,

d’Alexandrie et de Jérusalem

 

 

Texte intégral sur http://www.pgc-lb.org/