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P. Jens Petzold, moine bâtisseur avec et pour les réfugiés irakiens

Source La Croix

Le P. Jens Petzold était loin d’imaginer, en arrivant au printemps 2012 à Souleymaniye, au Kurdistan irakien, qu’il y partagerait son quotidien avec des dizaines de familles. Avec d’autres membres de la communauté Al – Khalil fondée par le jésuite italien Paolo Dall’Oglio, son objectif était de redonner vie au monastère de Deir Maryam Al-Adhra (monastère de la Vierge Marie), dans cette petite ville d’Irak, proche de l’Iran mais sous domination kurde et donc relativement plus calme que le reste du pays. « J’étais envoyé en éclaireur, sourit-il, en vue de faire venir d’autres moines et de créer ici un Mar Moussa bis. »

Ce Zurichois d’origine a vécu douze ans aux côtés du jésuite ­Paolo Dall’Oglio, qui a disparu après avoir été enlevé en juillet 2013, et dont il était le bras droit dans le monastère syrien-catholique de Mar Moussa, à une centaine de kilomètres au nord de Damas. Dès le début de la guerre en Syrie, les moines avaient envisagé cette solution de repli à l’est de l’Irak. En août 2014, l’arrivée massive de chrétiens ayant fui Daech depuis Mossoul, Karakosh et la plaine de Ninive, amena le P. Petzold à ouvrir le monastère aux réfugiés.

Dans l’urgence, Brother Jens (Frère Jens) – comme on l’appelle ici – a rouvert les maisons des environs, abandonnées par leurs propriétaires chrétiens partis chercher une vie meilleure. À l’étage, huit autres familles se sont installées. Devant l’afflux, il a même fini par tendre des toiles dans la chapelle pour y faire des espaces privés et loger sept familles, tout en conservant l’accès à l’autel pour les offices quotidiens, célébrés en arabe, pour les déplacés, et en anglais, pour les visiteurs. Au total, 64 personnes, dont de nombreux enfants, ont vécu là pendant plus d’un an, les femmes cuisinant collectivement dans le cloître, et les hommes travaillant à retaper le monastère et les maisons alentour.

Grâce à des ONG allemandes et françaises, le moine débrouillard a pu en effet racheter les demeures attenantes. « Le prix au mètre carré est cher ici et je n’ai pas un sou », sourit-il encore. Sur les terrasses, des pièces supplémentaires ont été construites pour le soutien scolaire des enfants, les réunions des adultes, les loisirs de tous. « Nous avons lancé notre petit théâtre multiethnique, multilingue et multireligieux ! », indique-t-il, en annonçant la création d’un groupe de musique. Ces salles servent aussi pour les cours d’anglais et de kurde, donnés par quelques bénévoles motivés, et pour une crèche et un jardin d’enfants.

À proximité, le P. Petzold a fait installer un premier camp de « caravanes » – sorte de cabanes de chantier, composées de deux pièces –, puis un second qui a été inauguré le 8 mars dernier, en présence du gouverneur et des autorités locales. Si bien qu’aujourd’hui, le monastère n’abrite plus aucune famille. Ce qui n’empêche pas le religieux suisse de continuer à aider 180 réfugiés chrétiens, yézidis et musulmans, en payant soins médicaux, frais d’électricité et de scolarité…

Parallèlement, deux autres moniales sont arrivées à Deir Maryam : sœur Carola, psychologue de formation, et sœur Dina, expérimentée dans l’aide sociale, en plus de sœur Frédérique, formée en thérapie post-traumatique. Dans les espaces à nouveau libres du couvent, le P. Jens souhaite créer un centre spirituel avec retraites personnalisées… Il espère surtout trouver le financement pour acheter un terrain contigu au monastère, afin d’y ouvrir « une bibliothèque de recherche interreligieuse et une salle de 200 places pour des rencontres interculturelles ».

Telle est la vocation de Deir Maryam, à l’instar de ce qui fut vécu à Mar Moussa : le dialogue islamo-chrétien par le vivre ensemble et le partage spirituel. « C’est en établissant des ponts entre christianisme et islam que l’on préparera l’avenir du Proche-Orient », martèle le P. Jens. Déjà, sous l’impulsion des autorités locales, les cadres religieux de l’Institut de formation des imams de Souleymaniye ont demandé à la communauté de Deir Maryam de les aider à contrer le discours de Daech.

Claire Lesegretain


L’Œuvre d’Orient soutient le monastère et toutes les actions pour les réfugiés présentées dans ce projet (caravane, équipements intérieurs, …)