• Actualités

Pèlerinage du Pape François en Terre Sainte, Enjeux ecclésiaux pour la Terre Sainte

Je voudrais commencer par remercier la Conférence des évêques de France et de l’Œuvre d’Orient pour m’avoir invité à cette journée de préparation au pèlerinage du Pape François en Terre Sainte. Je remercie aussi tous les présents qui ont répondu à cette invitation.

Si j’ai bien compris, le but de cette journée est de sensibiliser et de préparer les médias français à cette visite, en relevant ses implications et ses enjeux. Les divers intervenants parleront surtout de ces implications et de ces enjeux sur le plan international et universel, pour l’Église et le monde, du point de vue ecclésial, œcuménique, interreligieux, politique et autre. Et c’est très légitime, puisque les visites des divers Papes en Terre Sainte ont toujours revêtu cette dimension internationale et universelle. Mais, au milieu de tout cela, il ne faut pas oublier son importance, ses implications et ses enjeux sur le plan local, pour la Terre Sainte et ses Eglises. C’est de cette dimension que je voudrais parler,

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ce pèlerinage du Pape François vient à l’occasion du cinquantenaire du pèlerinage du Pape Paul VI en Terre Sainte en 1964. Or, ce pèlerinage a eu lieu dans un contexte particulier, celui surtout du concile Vatican II, et plus exactement au bon milieu des travaux de ce concile. Paul VI est venu en Terre Sainte habité qu’il était des grandes questions de l’Eglise universelle avec ses ouvertures au monde, aux Eglises non-catholiques, aux religions non-chrétiennes, à la société etc. Il a voulu ce retour aux sources pour porter toutes ces nouvelles perspectives dans sa prière et ses homélies. C’est dire que ce pèlerinage a pris surtout une dimension universelle, alors que sa composante locale n’a pas été une préoccupation première. Mais, depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous le pont, comme on dit. Les pèlerinages des Papes successifs, ceux de Jean-Paul II et de Benoit XVI, ne pouvaient que prendre en considération le contexte ou la dimension locale de ces pèlerinages pour en faire une constante incontournable.

Il est évident que la visite du Pape en Terre Sainte est avant tout un pèlerinage, c’est-à-dire la rencontre du Christ dans les lieux mêmes qui ont été les témoins des mystères fondateurs du christianisme. Cet aspect de la visite des Lieux-Saints a été très fortement souligné par les divers Papes lors de leurs pèlerinages. Il suffit de rappeler ici les grandes homélies de Paul VI dans les sanctuaires les plus importants de la Terre Sainte, comme aussi celles de ses successeurs, chargées qu’elles étaient de leurs sentiments religieux intenses. Mais le Pèlerinage du Pape ne s’arrête pas là. Au-delà des sanctuaires, il rend visite aussi aux pierres vivantes, à savoir la communauté chrétienne de Terre Sainte. Et c’est normal, puisque le Pape est le pasteur universel, dont la mission est de confirmer ces Eglises et ses frères dans la foi.

Dans mon intervention, je voudrais essayer de répondre, sans beaucoup de prétentions, aux questions suivantes: Quelle est l’importance de ce pèlerinage pour la Terre Sainte et ses Eglises? Quels en sont les enjeux, les attentes et les implications? En bref, quel sens pourrait avoir un tel pèlerinage, pour la Terre Sainte et ses Eglises, sur le plan ecclésial, œcuménique, interreligieux et politique, dans le contexte actuel?

Mais, avant d’affronter ces questions, il s’agit de savoir de quelle communauté chrétienne il s’agit en Terre Sainte?

 

Les chrétiens de Terre Sainte

Je commence par quelques informations de base qui aideront peut-être à savoir de quoi nous parlons. Le Pape rend visite à une communauté chrétienne, dont le nombre est assez mince. En effet, dans les pays concernés par cette visite (la Palestine, Israël et la Jordanie), on compte (et ici je dois vous dire que ces chiffres sont approximatifs, dont le but est tout simplement de donner une idée de la présence de ces chrétiens dans ces divers pays) environ 350.000 chrétiens (environ 50.000 en Palestine, 160.000 en Israël et 170.000 en Jordanie sur une population d’environ 15 millions d’habitants). C’est dire que c’est une petite minorité. Mais il serait erroné de mesurer cette communauté à son petit nombre. Tout d’abord, il faut dire que cette communauté chrétienne n’est pas une colonie étrangère venue s’implanter ici on ne sait d’où, mais une communauté chrétienne enracinée dans l’histoire et la géographie de la région. Elle fait partie intégrante de l’identité de cette terre, comme la terre fait partie intégrante de son identité. Sans ces chrétiens, la Terre Sainte ne serait pas la Terre Sainte, et sans la Terre Sainte ils ne seraient pas ce qu’ils sont. Je crois que c’est une réalité à dire et à redire, si on veut comprendre les communautés chrétiennes, en Terre Sainte et en Orient en général, dans leur réalité profonde.

Maintenant, il s’agit de dire que cette petite communauté chrétienne est très diverse, dans ce sens qu’elle couvre plusieurs Eglises de traditions différentes, qu’elles soient catholiques ou non catholiques. Les Eglises catholiques sont au nombre de six et il en est de même pour les Eglises orthodoxes des diverses traditions, sans oublier la communauté catholique d’expression hébraïque. Le nombre des fidèles de ces Eglises varie d’une Eglise à l’autre. Mais on peut dire que les trois plus importantes en Terre Sainte sont l’Eglise grecque orthodoxe, l’Eglise grecque catholique et l’Eglise catholique de rite latin. Jérusalem est un microcosme du christianisme oriental, puisqu’elle englobe ces diverses Eglises, avec chacune sa propre tradition, son rite, son patrimoine, sa spiritualité, son histoire, sa théologie etc. Le Pape qui vient en Terre Sainte a devant lui une réalité ecclésiale très complexe et très variée, sans oublier aussi les divisions entre ces Eglises, conséquences d’une longue histoire.

Ces chrétiens affrontent aujourd’hui des défis immenses, qui ne pourront pas être oubliés par le Saint Père, et que les médias ont l’occasion d’approcher et de comprendre.

Quels sont ces défis? Je les mentionne rapidement, parce qu’ils constituent le contexte dans lequel  cette visite du Pape se déroulera.

 

Les défis concernant la foi

Je ne sais pas jusqu’à quel point cet aspect des défis qu’affrontent les chrétiens de Terre Sainte et d’Orient intéresse les médias. Mais je crois qu’il vaut la peine de le mentionner rapidement, ne serait-ce que pour avoir un regard global sur le tableau. Les chrétiens de Terre Sainte ont eu le courage de conserver leur foi  au cours d’une histoire on ne peut plus troublée. Mais, il faut dire en même temps que cette foi a subi les retombées de l’histoire, dans ce sens qu’elle a fini par être une foi plus sociologique que personnelle. Cette foi sociologique ne pouvait que produire un modèle d’Eglise sociologique. Et ici il faut mentionner un terme très répandu en Orient, celui de confession. Le mot arabe qui définit cette réalité est Tai’fa, terme très répandu dans la terminologie courante, soit sur le niveau civil qu’ecclésiastique. La Tai’fa ou confession est une notion sociologique qui définit l’Eglise en tant que groupe social, dont la préoccupation première est la survie, l’affirmation de soi et le  souci de droits et de privilèges, ce qui ne peut qu’obnubiler le vrai sens de son être ecclésial,  la conscience qu’elle a de sa vocation, de sa mission et de sa relation avec les autres, puisque tout cela est vu et vécu à travers le prisme confessionnel. Le résultat est une Eglise fermée sur elle-même et peu consciente de sa mission dans le monde. Evidemment, il faut se garder de généraliser pour ne pas être injuste envers une communauté chrétienne qui a derrière elle deux mille ans d’histoire. La question qui se pose à la conscience de ces chrétiens est la suivante: Quelle foi en Jésus-Christ, dans quelle Eglise?

Les Papes précédents, Jean-Paul II et Benoit XVI, se sont adressés directement à cette communauté chrétienne pour l’inviter à une foi plus profonde et à un modèle d’Eglise qui soit plus conforme à l’Evangile et aux enseignements du concile Vatican II. Le Pape François ne peut éviter un tel discours, qui encourage les Eglises dans leur effort pastoral pour vivifier la foi de leurs fidèles pour qu’elle soit susceptible d’affronter les grands défis au Moyen-Orient et dans le monde. Les fidèles et les Eglises attendent du Pape une parole dans ce sens pour les confirmer dans la foi, sans oublier que c’est la première mission du Pasteur universel. Je crois que le Pape François saura le faire avec son style direct, simple et peu sophistiqué.

Carte Palestine

Les défis concernant leur présence dans la société

Quelle foi en Jésus-Christ, dans quelle Eglise? A cette question se joint une autre non moins importante: Dans quelle société? Nous savons que les sociétés du Moyen-Orient vivent une situation de transition avec tout ce que cela comporte de problèmes immenses qu’affrontent ces sociétés à tous les niveaux. Une telle situation ne peut qu’avoir ses répercussions sur les chrétiens dans ces divers pays, dont les chrétiens de la Terre Sainte. Je voudrais mentionner un certain nombre de ces défis, face auxquels le Pape va se trouver, en Terre Sainte et au Moyen-Orient.

 

–          L’instabilité :

Les sociétés du Moyen-Orient vivent une situation d’instabilité chronique à tous les points de vue, politique, économique, culturel, social et même religieux. Une telle situation marque nos sociétés de son empreinte profonde, créant une situation générale d’exaspération et de tensions. La Terre Sainte ne fait pas exception. Mais, en Terre Sainte, il y a une situation qui s’ajoute à cette situation générale et qui la rend encore plus grave, à savoir le conflit entre Israéliens et Palestiniens. Tout cela a ses implications sur les chrétiens de Terre Sainte, rend difficile leur vie quotidienne et met leur avenir en question. La société palestinienne en général et la situation des chrétiens de Terre Sainte ne pourra jamais trouver sa stabilité sans la solution de ce problème qui ne finit jamais et qui met nos sociétés dans une situation de crise permanente. Il suffit de rappeler les grands événements que les sociétés du monde arabe sont en train de vivre ces dernières années pour mesurer la profondeur de cette crise, qui a des facteurs internes, à cause des vrais problèmes que nos sociétés connaissent. Mais on ne peut passer sous silence les facteurs extérieurs. En effet, notre région ne laisse personne indifférent. Des puissances locales, régionales et internationales ne cessent d’intervenir, d’une manière directe ou indirecte, pour détourner ces événements de leurs buts premiers, pour qu’ils soient au service de leurs intérêts propres, ce qui ne fait que semer plus de confusion et de troubles au sein de nos sociétés.

Comment l’Eglise, en la personne du Pape François, se comportera-t-elle au milieu de cette situation et quel message apporte-t-elle a ces situations de tension et de crise?… Voilà une question que le Pape ne pourra éviter d’affronter.

 

          L’émigration:

Une des questions qui préoccupe les chrétiens d’Orient et ceux de la Terre Sainte d’une manière particulière est celle de l’émigration. Nous savons que l’émigration est un phénomène normal dans toutes les sociétés pour des raisons des plus variées. Mais ce phénomène tend à prendre des proportions normales au fur et à mesure que les sociétés connaissent plus de stabilité, politique, économique et sociale. En Orient, ce phénomène a commencé déjà au XIXème S. dans une situation de pauvreté extrême. Avec le temps, il aurait fallu que ce processus prenne sa proportion normale. Mais malheureusement, des événements ultérieurs se sont passés au cours du XXème S. et  qui n’ont fait qu’intensifier et d’accélérer ce phénomène. Je ne peux que citer quelques-uns: la création de l’Etat d’Israël en 1948 qui a dispersé les Palestiniens, dont les chrétiens. A titre d’exemple, Jérusalem, en 1948 avait une population chrétienne de 29.000 habitants. Ils sont tombés à 14.000 après 1948. Après la guerre de 1967, ils sont tombés à moins de 10.000. L’occupation de l’Iraq a entraîné l’émigration dramatique des chrétiens irakiens. Les chrétiens du Liban ont connu le même phénomène après 15 ans de guerre à partir de 1975. Actuellement, les chrétiens de Syrie connaissent le même sort. Evidemment, il ne faut pas penser que l’émigration touche seulement les chrétiens; elle touche aussi la population musulmane. Mais, étant donné le petit nombre des chrétiens, ce phénomène est plus visible quand il s’agit d’eux. Comment une telle hémorragie des chrétiens d’Orient pourra-t-elle être stoppée? Voila une question qui préoccupe les Eglises d’Orient, comme elle préoccupe aussi l’Eglise universelle. Que peuvent faire les Eglises, sur le plan local et universel, en face de ce drame? La question reste ouverte tout en rappelant que la stabilité de nos sociétés au Moyen-Orient est le seul facteur qui pourra encourager les chrétiens à rester sur place.

 

–          L’émergence d’un Islam politique:

Depuis quelques décennies, on remarque l’émergence d’un Islam politique de tendances des plus variées. Je ne suis pas là pour analyser ce phénomène dans ses causes et ses conséquences. Comme je ne suis pas ici pour nourrir un sentiment d’islamophobie assez répandu en Occident. Il faut rappeler que tous les musulmans ne sont pas islamistes et que la classification de toute une société avec une seule étiquette est injuste et peut conduire à des conséquences néfastes. Il faut rappeler aussi que les mouvements islamistes extrémistes font peur à tout le monde, aux chrétiens, à la très grande majorité des musulmans et aux autres citoyens d’orientation libérale. En Terre Sainte, nous avons des partis islamistes. Mais il faut dire qu’ils n’ont pas une note antichrétienne, comme on le voit dans d’autres pays du Moyen-Orient. Mais cette tendance, surtout dans sa forme extrémiste, fait peur aux chrétiens, entre autres, parce qu’elle les oblige à s’interroger au sujet de leur place dans une société qui tend à prendre de plus en plus un certain cachet religieux.

 

–          Les chrétiens au milieu de miroirs déformants:

Tout le monde regarde vers les chrétiens d’Orient. Tout le monde en parle. Des conférences sont organisées, des livres sont écrits, des articles sont publiés On ne peut s’en lamenter. Mais il faut remarquer que cet intérêt n’est pas toujours indifférent. En effet, chacun regarde vers les chrétiens d’Orient avec sa perspective propre, d’après ses choix idéologiques ou d’après ses intérêts propres. Et chacun voudrait engager les chrétiens d’Orient dans sa perspective propre ou ses choix idéologiques propres ou ses intérêts propres, ce qui met les chrétiens dans une situation d’embarras ou constitue pour eux un piège. Il me semble que l’Eglise universelle et tous ceux qui sont intéressés à nos sociétés et à ses chrétiens devraient aider les chrétiens d’Orient à prendre eux-mêmes la parole et à dire ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent être, quel est le sens de leur présence dans leurs sociétés, quelle est leur vocation, leur mission et leur témoignage au sein de leurs sociétés en cette période difficile de leur histoire.

 

Le défi œcuménique et interreligieux

Il faut dire que le pèlerinage du Pape Paul VI a été un pèlerinage éminemment œcuménique. En effet, Paul VI est venu en Terre Sainte au milieu des grandes ouvertures œcuméniques de l’Eglise au concile Vatican II. Il faut se rappeler que ce pèlerinage a été marqué par la rencontre historique entre Paul VI et le Patriarche œcuménique Athénagoras I de Constantinople, après mille ans de séparation et d’éloignement. L’enjeu œcuménique du Pèlerinage de Paul VI et du Pape François sera traité lors de cette journée. Je voudrais m’arrêter ici sur son impact sur l’atmosphère œcuménique en Terre Sainte. Il faut dire que la rencontre entre le Pape Paul VI et le Patriarche Athénogoras marque une date importante dans les relations œcuméniques en Terre Sainte. En effet, elle a eu un impact très fort sur l’œcuménisme en Terre Sainte. Après un œcuménisme protocolaire vide, l’atmosphère a changé dans ce sens que les Eglises de Terre Sainte ont commencé à se parler, à se respecter davantage et même à prendre position ensemble lors des dernières années, mais sans pouvoir parler encore d’un vrai mouvement œcuménique où les Eglises seraient capables de se mettre autour d’une table pour étudier vraiment les questions qui les intéressent et qui sont source de conflits latents entre les Eglises (prosélytisme, collaboration pastorale, unification de la date des grandes fêtes chrétiennes, etc.). Nous attendons du pèlerinage du Pape François de donner un nouvel élan à cette collaboration œcuménique en Terre Sainte.

Un autre aspect qui complète cette collaboration œcuménique est la collaboration entre les Eglises catholiques. Comme nous l’avons dit plus haut, ces Eglises sont au nombre de six, en plus de la Custodie de Terre Sainte (les Franciscains qui constituent une présence importante en Terre Sainte). Après une longue période de rivalités et de compétition, une meilleure collaboration existe entre ces Eglises au niveau pastoral. Nous espérons que le Pèlerinage de François donnera là-aussi un élan pour une plus grande collaboration entre ces Eglises. Il ne s’agit pas de retourner en arrière, mais d’intensifier cette collaboration. Et ici je ne peux que citer cette parole des Patriarches catholiques d’Orient: «En Orient, nous serons chrétiens ensemble ou nous ne serons pas».

C’est dans ce cadre qu’il faut aussi parler du défi interreligieux. Dans ce domaine, la Terre sainte, et Jérusalem en particulier, représente un lieu privilégié de cette rencontre entre les religions, puisque les trois grandes religions monothéistes sont chez elles à Jérusalem, qui constitue un aspect fondamental de leur identité. Malheureusement, le conflit politique empêche ces religions d’avoir des contacts fructueux entre elles. Elles se trouvent à Jérusalem dans une situation de conflit. Le pèlerinage de Paul VI n’a pas eu ce cachet interreligieux. Mais les Papes Jean-Paul II et Benoit XVI ont voulu marquer leurs pèlerinages de cet aspect en organisant une rencontre interreligieuse autour d’eux. Mais il faut dire que ces rencontres ont été un échec, parce  que les diverses parties se sont contentées de se lancer des accusations réciproques de caractère politique. Lors du Pèlerinage du Pape François une telle rencontre n’est pas prévue. Mais nous sommes en attente pour voir quel message apportera le Pape avec lui dans ce sens.

 

Les défis de la Justice et de la paix

Le Pape vient dans une région qui vit une situation politique des plus difficiles et des plus complexes. Evidemment il ne s’agit pas pour moi de faire une analyse ou un discours politique. Mais je me permets de faire quelques remarques qui pourront aider à mettre les choses à leur vraie place, surtout que le Pape ne pourra que prendre en considération le contexte politique actuel. Les négociations de paix se poursuivent depuis plus de 20 ans entre Palestiniens et Israéliens sans arriver à des conclusions satisfaisantes et authentiques. Entre-temps, les Israéliens ne cessent de multiplier les mesures qui sont en contradiction flagrantes avec le processus de paix (mur de séparation, construction de colonies dans les territoires occupés, blocus de Gaza avec ses conséquences désastreuses, judaïsation de Jérusalem au détriment de ses autres composantes…).

Par ailleurs, il faut se rappeler que le partenaire palestinien est le parent pauvre de ces négociations. Il n’a aucune force, ni militaire, ni économique, ni médiatique, ni politique. Ce qui fait qu’il est laissé à lui-même devant des puissances qu’il ne peut affronter tout seul et est constamment soumis à toutes sortes de pressions pour qu’il fasse toujours plus de concessions qui ne sont pas dans le sens de ses droits légitimes. Il faut savoir que les Palestiniens sont en face d’un Israël puissant, qui a l’appui très souvent inconditionnel des puissances occidentales (surtout américaine), ce qui donne bonne conscience aux israéliens et leur permet de continuer dans leur politique contraire à une vraie paix.

Il faut ajouter qu’entre-temps les Palestiniens sont la cible d’injustices et d’oppressions de toutes sortes, qui font de leur vie quotidienne une réalité impossible à vivre (dispersion des familles, réfugiés, manque de travail, difficultés de mouvement, vie économique très limitée…), sans oublier les difficultés pastorales de l’Eglise dans une telle situation.

Dans un tel contexte, il me semble que les paroles du Pape devraient être une invitation forte, claire et engagée pour une paix juste et durable. Je crois qu’elles devraient aller au-delà des conventions diplomatiques pour  lancer un appel courageux et clair en faveur d’une paix vraie, quitte à mécontenter les uns et les autres (les Palestiniens, mais surtout les Américains et les Israéliens). Il en va de la paix du monde. Une telle situation ne peut continuer indéfiniment. Il faut se rappeler que d’une manière ou d’une autre le problème palestinien est à la source des troubles répandus dans le monde arabe et musulman et qu’une solution de ce problème ne peut que promouvoir la paix dans le monde arabe, dans le monde musulman et dans le monde entier. Une parole prophétique de la part du Pape est attendue dans un tel contexte, une parole qui se range sans peur du côté des pauvres, comme le Pape François nous a habitué dans ses diverses visites dans le monde.

 

Conclusion

Je voudrais conclure par deux remarques. La première s’adresse directement aux organes de presse. Si vous aurez l’occasion d’accompagner le pèlerinage du Pape François, il faut savoir que vous venez dans une région très complexe et très difficile. Il est facile de venir avec des choix politiques ou idéologiques, ou avec des préjugés envers cette partie ou cette autre. Dans ce cas, on sera inévitablement injuste. Dans ce contexte, ce que je voudrais dire est qu’il y a un très grand malentendu entre Orient et Occident. Il y a une peur et des préjugés réciproques. Je crois qu’un changement de regard est un besoin impérieux dans le contexte actuel. Les uns et les autres devraient adopter un regard nouveau les uns sur les autres. Il en va pour l’avenir du monde dans les années à venir. J’espère que vous porterez ce souci en couvrant le pèlerinage de François.

Une deuxième remarque non moins importante est à faire pour conclure cette présentation. Jusqu’à maintenant, nous avons parlé des pèlerinages, mais peu des pèlerins eux-mêmes. Chaque Pape est venu en Terre Sainte avec sa personnalité propre et je crois que chacun a donné le meilleur de lui-même lors de son Pèlerinage. Ici, il s’agit du Pape François, dont la personnalité unique s’est vite déclarée et a été perçue par le monde entier. Nous savons qu’il a marqué l’Eglise de son approche personnelle. Je dois vous dire que le terrain en Terre Sainte est bien préparé pour cette visite. Il est précédé par une estime et un respect généralisés. Je partage la curiosité de tous qui voudraient voir comment ce Pape saura marquer ce pèlerinage de sa touche propre, soit dans ses paroles, soit dans ses gestes. Nous sommes sûrs que le style nouveau de ce Pape saura s’imposer à tous. Nous avons plein confiance que le Pape saura dire les mots justes et faire les gestes personnels qui donneront un supplément d’espérance dans une région qui en a tragiquement besoin.


Retrouvez notre dossier spécial sur le pèlerinage du Pape François
Retrouvez notre dossier sur la Palestine