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Restauration de la basilique de la Nativité : ‘Signe des Temps’ en faveur de l’œcuménisme

« La basilique de la Nativité est un lieu exceptionnel à plusieurs titres. C’est un lieu saint éminent pour le christianisme puisqu’il s’agit du lieu de la naissance du Christ. C’est aussi une des plus anciennes églises du monde. »

Lors de la table ronde sur le Patrimoine à l’IMA, Yves Teyssier d’Orfeuil, revient sur l’historique de la première basilique, qui a été construite sous Constantin dans les années 330 (on en voit les mosaïques / fondements dans la nef), puis reconstruite par Justinien au VIème siècle. C’est la plus ancienne église chrétienne utilisée quotidiennement pour le culte. C’est aussi un des lieux les plus visités de Terre Sainte ; 2 millions de pèlerins chaque année.

Une situation religieuse complexe : A qui appartient la basilique de Nativité ? L’église de la Nativité est gérée conformément aux dispositions du Statu Quo des lieux saints qui remonte à 1852. Selon le principe du Statu Quo, il convient de ne rien changer à la situation figée au moment où il a été établi. Dans le cas présent, les Églises qui gèrent la Nativité sont les latins, les grecs orthodoxes et les arméniens. La basilique a connu des tensions entre les confessions. Des conflits entre les différentes communautés sur place ont plusieurs fois dégénérées. Des querelles entre moines à coup de balais, ont eu lieu à plusieurs reprises, les dernière fois en 2007 et 2011, entre moins arméniens et grecs orthodoxes.

En ce qui concerne la basilique de la Nativité, le Statu Quo (entériné par un traité international, le traité de Berlin en 1878) ne précisait pas à qui appartenait le plafond de la basilique. D’où les difficultés à se mettre d’accord pour la restauration de la toiture. Il n’y avait pas eu de réparation d’importance depuis près de deux cent ans (sauf en 1991 lorsqu’Israël avait décidé de façon autoritaire de consolider la charpente qui menaçait la sécurité des pèlerins). A la veille des célébrations du nouveau millénaire, d’intenses tractations avaient été menées, mais en vain, pour aboutir à des réparations. Il est vrai que les Églises n’ont pas les mêmes conceptions esthétiques. Au fil des ans, les infiltrations ont altérées les mosaïques du XIIème siècle et provoqué des pourrissements du bois. La Basilique figure depuis 2008 sur la liste des cent sites les plus menacés de L’observatoire des monuments mondiaux. Le lancement d’un chantier de restauration de la toiture de la Basilique a été décidé en 2008. Devant l’urgence, les trois Églises se sont mis d’accord et les trois patriarches ont signé un accord historiques en 2010 pour se mettre d’accord pour la réparation du toit.
En 2010, l’Autorité Palestinienne a annoncé son engagement pour la restauration de la toiture de la Basilique de la Nativité et formé un comité de restauration chargé de rechercher des fonds et de coordonner les appels d’offres en direction des cabinets d’audit et des entreprises intéressées par la restauration. (Lire la suite de son intervention)


Dans une interview accordée au Patriarcat Latin de Jérusalem, Frère Stéphane, franciscain de la Custodie de Terre Sainte, responsable Franciscain pour les Travaux de la basilique de la Nativité insiste : « Cette basilique constitue aussi pour l’Autorité Palestinienne le monument le plus important et le plus visité en Palestine. Il était donc important que l’Autorité Palestinienne prenne en charge ce bâtiment unique.
D’autre part, la collaboration entre les Églises et l’Autorité Palestinienne se passe bien et sans polémique. Il y a des réunions fréquentes d’évaluation, qui rassemblent les responsables des trois Églises qui partagent la basilique, mais aussi la municipalité de Bethléem et les ingénieurs de la constructions, sous la présidence de M. Ziad Bandak, ministre, conseiller du Président palestinien pour les Affaires ecclésiastiques.
Nettoyage de la basilique
Selon lui « Nombreux sont ceux qui sont scandalisés du fait que les Églises n’arrivent pas à se mettre d’accord pour la restauration de la basilique. Mais, de mon point de vue, ce retard est providentiel. En effet, si chaque Église avait pu procéder à des restaurations de son côté, chacune de ces Églises aurait défiguré le bâtiment en le restaurant d’une manière qui n’aurait pas été uniforme. Le bâtiment aurait ainsi perdu son unité. Et c’est justement parce que le bâtiment a conservé son pur style byzantin qu’il attire aujourd’hui les architectes, les experts et la communauté internationale. »« Ce bâtiment en soi, « crie » l’œcuménisme. Par exemple, dans les mosaïques qui ornent le mur au-dessus des colonnes, se trouve la représentation des sept premiers Conciles œcuméniques de l’Église. L’Église byzantine reconnait tous ces Conciles que nous avons donc en commun !Plus bas, sur les colonnes, on trouve aussi des saints peints par les Croisés qui représentent des saints orientaux et des saints occidentaux.
Donc, l’église de la Nativité met en évidence le Credo universel des Églises, lequel nous porte vers une sainteté unique et univoque.
Il est bon enfin de souligner que plusieurs communautés prient dans cet unique bâtiment jours après jours et ce depuis des siècles. Des rites différents, mais qui vivent une même foi.
Quant aux travaux de restauration, toutes les communautés ont collaboré avec bonne volonté. »

La basilique au cœur de l’actualité diplomatique internationale

La Palestine a été admise à l’Unesco en octobre 2011. L’UNESCO a été la toute première organisation onusienne à avoir accepté la Palestine en son sein. Cette admission à l’UNESCO a été suivie du retrait des États-Unis et d’Israël de cette organisation. La demande de classement en urgence de l’église de la Nativité au patrimoine mondial de l’humanité est la première démarche officielle entreprise par l’Autorité palestinienne depuis son admission à l’UNESCO. L’inscription au patrimoine mondial intervient très peu de temps après l’adhésion de la Palestine à l’UNESCO, dès le 29 juin 2012, selon une procédure d’urgence motivée par le fait que la structure du toit est devenue extrêmement vulnérable. Procédure d’urgence qui a engendré une certaine polémique.

La décision de l’UNESCO s’étend à la basilique elle-même ainsi qu’aux couvents grecs orthodoxes, latins, arméniens, et la route de pèlerinage dans la vielle ville de Bethléem. La décision consacrait en quelque sorte la position de la Palestine au sein de l’UNESCO. Et en novembre 2012, la Palestine devient État non membre des Nations unies.

Les Églises concernées n’étaient pas particulièrement favorables à cette implication de l’Autorité palestinienne qui résultait de ce classement au patrimoine mondial. Un comité consultatif a été nommé par le Président palestinien. Les Églises, qui avait pris pour habitude de penser que dans les lieux saints, la meilleure chose était le Statu Quo, donc ne rien changer, avaient du mal à accepter cette intervention extérieure conséquente au classement au patrimoine mondial.

La France, premier contributeur étranger, a versé 200 000 euros au fonds pour la réparation du toit de l’église de la Nativité (viennent ensuite Russie, Espagne, Hongrie). Les travaux de toitures ont commencé en décembre dernier et devraient normalement, pour ce qui concerne la toiture, s’achever en septembre prochain. Ce sont des artisans italiens qui ont été sélectionnés par l’Autorité palestinienne. Trente tonnes de poutres ont été envoyées d’Italie.

L’étude de la charpente a montré, grâce à une recherche dendro-chronologiques, qu’une partie de la charpente était constituée de poutres de chênes venus d’Italie vers 1470 et qu’une autre partie était constituée de poutres de cèdres du XIIIème siècle. L’Autorité palestinienne aurait aimé que soit effectuée une restauration « à neuf » de la charpente. Mais un accord a pu être trouvé avec les architectes pour qu’il n’en soit rien.
Il ne reste plus qu’à espérer que les poutres qui vont être installées par les Italiens tiendront aussi longtemps que celle du XVème et du XIIIème siècle qui ont tenu jusqu’aujourd’hui.