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Témoignage de Claire, volontaire au Caire

Claire, 24 ans, est normalienne et agrégée et met ses nombreux talents au service du Collège St Vincent de Paul du Caire pour enseigner auprès de jeunes filles de la banlieue du Caire.

 

Me voici depuis un mois à l’école Saint Vincent de Paul au Caire, tenue par les filles de la Charité. Trois petites religieuses vêtues de bleu et blanc, trois petits bouts de femmes au sourire chaleureux et au français chantant, trois véritables héros qui transforment la vie de leurs élèves en chemin de liberté et de responsabilité.

Depuis le premier jour de ma présence au Caire, Sr Amira, Sr Naglaa et Sr Joséphine ne cessent de me surprendre, de m’enseigner par leur modèle, d’ouvrir mon cœur et d’éduquer mon regard à mieux voir, et accueillir ce que je découvre ici.

L’école accueille des jeunes filles chrétiennes et musulmanes, depuis la maternelle jusqu’à l’équivalent du lycée. Elles sont issues, pour la grande majorité, de milieux défavorisés. Certaines, orphelines, sont accueillies dans un centre, pas très loin de chez nous. D’autres habitent au cœur du quartier des chiffonniers et des bus viennent les chercher le matin et les ramènent chez elles le soir.

 

Dans cette école, on enseigne le français dès la maternelle et les enseignants sont quasiment tous bilingues, sauf les professeurs d’arabe et de mathématiques. Je n’étais donc pas perdue en arrivant. Rapidement plusieurs types de cours m’ont été confiés, me permettant de trouver une vraie place — chose délicate car nous étions déjà à la moitié de l’année scolaire.

Cours de français pour les DELF B1 et B2, au lycée, cours de lecture pour les classes du primaire, cours de chant pour les classes de 6ème et de 5ème, renforcement à l’oral pour les professeurs de maternelle, et cours de français à une jeune postulante de la communauté.

En outre, je passe de plus en plus de temps avec mes collègues professeurs ainsi que dans les cuisines de l’école pour mieux connaître les femmes qui y travaillent. Il se tisse entre nous un lien particulier bien qu’elles ne me parlent qu’en arabe et que je ne comprenne pas tout et j’ai hâte de mieux me débrouiller pour avoir des échanges plus profonds avec elles.

 

Tous ces moments sont des occasions précieuses de mieux comprendre ce pays qui m’accueille, de découvrir qui sont les Égyptiens, de m’adapter à un monde complètement différent du mien, et de me découvrir moi-même, face à mes limites et à mes questionnements. Cette mission n’est en effet pas de tout repos, et mes journées se terminent souvent dans un état d’épuisement avancé ! Mais c’est pour moi une grande leçon d’humilité : apprendre à m’adapter, à accepter que je suis pas toujours à la hauteur de ce que je voudrais, que les classes ne sont pas faciles à tenir, que les élèves ont peut-être besoin d’autre chose. Je crois que j’ai beaucoup de chance d’apprendre tout cela dans ce cadre riche et porteur, et de pouvoir faire mes armes avant de devenir professeur en France.

 

J’apprends donc à me laisser façonner par cet univers nouveau, déroutant et extrêmement vivant. Ici tout bouge, tout crie, et rien ne se passe comme on l’avait prévu. À l’école, cela va de la toute petite élève qui vient vous faire un câlin pendant que vous écrivez au tableau, à la jeune adolescente qui ne peut s’empêcher de faire dix fois le tour de la classe pour discuter avec ses copines ou faire cours à votre place.

Dans la rue aussi, où la vie déborde dans tous les sens, avec parfois une violence qui surprend. Des gens, des ânes, des chiens, des chevaux, des moutons, des voitures, des motos, des bus… un vacarme formidable à toute heure du jour et de la nuit.

 

Dans tout ce mouvement, je commence à trouver quelques points de repère et lieux où je devine que je pourrai me ressourcer et goûter à une certaine paix. Chez les dominicains de l’IDEO (Institut dominicain d’études orientales) notamment, tout près de l’école, qui sont d’une gentillesse et d’un accueil précieux. Leur couvent est un vrai lieu de sociabilité où il est facile de rencontrer d’autres français, volontaires, expatriés, gens de passage. On ne s’y sent pas seul, et me voilà déjà engagée pour la compagnie de guides du Caire tandis que nous avons redonné vie à la SCEP pour partager des temps de prière et d’enseignement hebdomadaires, avec le frère Adrien.

 

Petit à petit j’avance donc sur ce chemin qui exige un vrai dépouillement mais promet un profond enrichissement humain et spirituel. J’ai hâte de découvrir les merveilles que ce pays recèle, tant dans ses lieux et monuments chargés d’histoire, que dans ses habitants très accueillants et en même temps aux prises avec une extrême violence et souvent voués à une grande pauvreté. Je crois que j’ai une grande chance de pouvoir vivre cette expérience et j’espère être capable d’en recueillir tous les trésors.