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Témoignage de Thibault, volontaire au Caire

Le Caire, 5 septembre 2018

Chers tous, quelques nouvelles !

Une transition vaut mieux qu’une conclusion

Envoyé par l’Œuvre d’Orient auprès des Frères des Ecoles chrétiennes, je suis allé à la rencontre d’un pays envoûtant, aux multiples facettes, sans cesse balloté entre modernité et tradition, doté d’un patrimoine culturel immense, mais subissant une explosion démographique et urbaine anarchique. La raison de mon séjour était bien sûr avant tout ma mission d’enseignement du français oral auprès des Frères, dans les classes du grand primaire du Collège de la Salle. J’ai pu l’enrichir et l’approfondir, avec bien d’autres activités : soutien scolaire et colonies d’hiver et d’été avec la Famille lassalienne, Modélisation des Nations unies avec la Section française, théâtre et journalisme avec le préparatoire. L’accueil des Frères fut très chaleureux, et nous avons pu vivre ensemble une belle fraternité. Qu’ils soient vivement remerciés.

En même temps que je découvrais les coulisses de l’enseignement francophone en Egypte, et l’intimité de la vie en communauté, je me suis investi dans des activités plus personnelles et plus classiques : le scoutisme et l’aumônerie. Je connaissais déjà l’existence d’une troupe au Caire, et c’est assez naturellement que j’en fus le chef de troupe. Elle est rattachée à la paroisse de la Sainte-Famille à Maadi, la quinzaine de scouts sont tous francophones, majoritairement français (et aussi égyptien, libanais, grec, italien, américain), et pas nécessairement catholiques. Après une année de week-ends dans le désert, nous avons campé avec une troupe versaillaise dans les bois de l’Allier. Quant à l’aumônerie, elle se forma à proprement parler au deuxième semestre, lorsque nous étions arrivés à une bonne dizaine de Français catholiques, gravitant autour des dominicains, regroupant des jeunes professionnels, des volontaires dans l’enseignement comme moi, à la bibliothèque de l’IDEO, ou encore dans un foyer de personnes âgées, des étudiants en arabe à l’Institut français ou encore à l’Université du Caire. Nous alternions chorale et étude des lettres de Saint Paul, accompagnés et éclairés par un frère dominicain, celui-ci même qui était également l’aumônier de la troupe, qu’il soit vivement remercié. Bien sûr, c’est avec ce petit noyau, parfois élargi, que j’ai sillonné avec émerveillement une grosse partie du Caire et de l’Egypte.

Ainsi, si dépaysement il y a bien eu, le déracinement n’en fut pas pour autant total, par la fréquentation de la communauté des Français expatriés d’une part, et par l’intégration auprès de la communauté francophone au sens plus large d’autre part. J’ai évidemment énormément appris sur l’Egypte et sa langue, sa culture, sa religion si étrangères. J’ai également pénétré dans un monde inconnu, insoupçonné, pourtant réel et duquel j’avais toujours fait partie : le monde de la francophonie. Bien que perdant en qualité et en proportion, les francophones d’Egypte restent une minorité vivante et vibrante, fiers de leur particularisme. Leur amour pour la France et leur attachement à la langue française sauraient faire pâlir bon nombre de Français.

La francophonie en Egypte a un quasi-corollaire : les minorités chrétiennes. Non pas que la francophonie soit l’apanage des chrétiens, ni encore que tous les chrétiens soient francophones, loin de là. Résumons-en, malheureusement brièvement, les raisons. Au XIXe siècle, Mehmet Ali prit exemple sur la France pour moderniser son pays, et la langue française devient alors celle de la modernité, modernité qui a toujours attiré les minorités. Le français s’est rapidement imposé langue du droit, de la diplomatie et du commerce, de l’élite égyptienne et enfin transcommunautaire (remplaçant l’italien), et donc des minorités, naturellement tournées vers l’extérieur. Concomitamment, la France poursuivait sa longue tradition de protection des chrétiens d’Orient, commencée avec les capitulations au XVIe siècle. Les rapports privilégiés, parfois teintés de clientélisme, entre la France et les chrétiens d’Orient font que beaucoup parmi ceux-ci parlent français. C’est aussi au XIXe que des dizaines d’écoles catholiques d’enseignement français sont créées par des congrégations françaises, offrant éducation de qualité à coût réduit, où les minorités chrétiennes sont toujours aujourd’hui surreprésentées par rapport aux musulmans, dans des écoles à présent enseignant en français sauf les matières nationales : arabe, histoire et géographie, religion.

C’est ainsi que mon envoi par l’OEuvre d’Orient dans une école catholique d’enseignement en français (dite école confessionnelle ou bilingue), où garçons chrétiens et musulmans sont à effectifs égaux, représente un tout cohérent. Si la vocation première de l’OEuvre est d’aider les chrétiens d’Orient, elle le fait indéniablement et pourtant sans discrimination en soutenant les écoles chrétiennes où grandissent dans la fraternité chrétiens et musulmans. En aidant les écoles chrétiennes, d’enseignement en français (à quelques très rares exceptions, mais jusqu’à quand ?), l’Œuvre aide la francophonie. Et ce faisant, elle aide à la diffusion de certaines valeurs : celles de la culture française ; égalité, liberté, fraternité, mais aussi une grande ouverture d’esprit à une vraie dimension internationale, comparée au « globish » qui aurait tendance à imposer la culture anglophone -comprendre américaine- au rouleau compresseur et atténuer la diversité culturelle.

Fort de tous ces enseignements et de toutes ces expériences concrètes, le pied maintenant sérieusement dans le monde des chrétiens d’Orient et de la francophonie, l’idée de prolonger le séjour en Egypte s’imposa de plus en plus. Le master 2 de communication et médias de l’Université Senghor d’Alexandrie, Université internationale de langue française au service du développement africain, Opérateur direct de la Francophonie, me plonge davantage encore dans cette francophonie. Quant aux coptes orthodoxes, catholiques, ou protestants, arméniens orthodoxes ou catholiques, grecs orthodoxes ou catholiques, maronites, anglicans ou catholiques latins (la plupart sont des expatriés), croyez bien que j’en resterai proche.

Soyez assurés de mes prières, comme je me sais dans les vôtres,