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Ukraine : S.B. Sviatoslav Shevchuk face à des enjeux importants

QUELQUES ENJEUX

Mgr Sviatoslav Shevchuk est aujourd’hui à la tête de la principale Eglise catholique de tradition non latine dans le monde.

Son Eglise est forte de 5, 5 millions de membres répartis pour les trois quart en Ukraine (3597 communautés, 2347 prêtres, 105 monastères, 1248 moines et moniales), mais aussi pour le quart restant dans les importantes diasporas des Etats-Unis, d’Europe occidentale, d’Australie et d’ailleurs.

En Europe occidentale il existe trois exarchats en France, en Allemagne et en Grande Bretagne. Mgr Michel Hrynchyshyn est l’exarque de cette Eglise en France et au Bénélux. L’Eglise grecque catholique d’Ukraine, principale force d’opposition au régime soviétique à l’intérieur des frontières de l’URSS pendant plus de 45 ans (1946-1991) dispose d’un rayonnement en Ukraine qui dépasse ses frontières confessionnelles.

Grâce à la personnalité hautement spirituelle du cardinal Lubomyr Husar, patriarche entre 2001 et 2011, les Ukrainiens accordent aujourd’hui une très grande confiance à cette Eglise. Elle a su en particulier éviter ces dernières années deux grands écueils, la volonté de revanche et le nationalisme.

Le patriarche Lubomyr Husar, que Jean-Paul II avait fait cardinal très vite après son élection, a publié à plusieurs reprises au nom de son synode des lettres d’invitation au repentir collectif et à la réconciliation nationale. L. Husar a également fait de nombreux gestes en direction du patriarcat de Moscou.

Frustré d’avoir perdu de nombreuses paroisses avec la légalisation de l’Eglise grecque catholique en Ukraine en 1991, le patriarcat de Moscou a accusé de façon récurrente depuis vingt ans l’Eglise « uniate » (titre considéré comme péjoratif par les fidèles de l’EGCU) de prosélytisme. Le cardinal Husar a répondu simplement et paisiblement en affirmant que toutes les paroisses revenues dans son giron étaient grecques catholiques avant 1946, date de l’élimination de son Eglise par le pouvoir soviétique. Il n’a demandé aucune réparation pour la participation de l’Eglise russe à l’entreprise stalinienne de destruction de son Eglise. Il est parvenu également à rencontrer à plusieurs reprises Mgr Volodimir (Sabodan) chef de l’Eglise orthodoxe ukrainienne relevant du patriarcat de Moscou. Il est certain que la marge de manœuvre de ce dernier est très limitée en raison de la dépendance de son Eglise à l’égard de Moscou. Pourtant grâce à leur personnalité et à leur réputation, les deux hommes sont parvenus à un modus vivendi pacifié. Ils ont tous deux envoyé en septembre 2009 leurs représentants au séminaire inter-confessionnel, organisé à Kiev par l’Institut d’études œcuméniques de Lviv et l’Académie Mohyla, et consacré à l’avenir de « l’Eglise de Kiev ». Le projet ecclésial de l’Eglise grecque catholique d’Ukraine, formulé dans un texte adopté par son synode, concerne l’ensemble du monde chrétien. Il consiste à approfondir et à promouvoir l’identité d’Eglise locale de l’EGCU en double communion avec l’Eglise catholique de Rome (dont elle relève juridiquement) mais aussi avec l’Eglise orthodoxe de Constantinople (dont elle est issue), avec l’Eglise orthodoxe de Moscou (à laquelle elle a été rattachée de force entre 1946 et 1989), et avec les autres Eglises locales dans le monde. Ce projet ecclésial, qui se démarque de la représentation tranchée, héritée de la guerre froide, de deux espaces politiques et spirituels « catholique-romain » et « orthodoxe-byzantin » radicalement distincts, est original tout en correspondant à la tradition la plus ancienne de l’Eglise chrétienne. Pour beaucoup il relève du rêve. Pour d’autres, tels que les théologiens catholique Jean-Marie Tillard (Eglise d’Eglises) et orthodoxe Olivier Clément (Rome autrement), il représente la voie à suivre. A condition cependant que la primauté romaine et la synodalité des Eglises locales acceptent de s’articuler par un système d’enchevêtrement des responsabilités et des pouvoirs respectifs.

Il est en tous les cas aujourd’hui au cœur des discussions de la commission mixte de dialogue entre les Eglises catholique et orthodoxe. Nul doute que Mgr Sviatoslav Schevchuk, probablement le plus romain des théologiens grecs catholiques (en raison de son parcours et du fait qu’il ne soit pas moine studite comme son prédécesseur), saura rassurer Rome sur la capacité de son Eglise à travailler en concertation avec l’Eglise catholique romaine en Ukraine et partout dans le monde.

Nul doute également que Mgr Sviatoslav, l’héritier du manteau de Mgr Lubomyr Husar, saura expliquer aux Eglises orthodoxes que l’identité post-confessionnelle de son Eglise ne menace en rien leur propre identité mais au contraire pourrait contribuer à forger avec elles un nouvel avenir : celui de la réconciliation des chrétiens pour la vie du monde. On lui souhaite de réussir.

Article de Antoine Arjakovsky

Directeur de l’Institut d’études œcuméniques de Lviv. Il est l’auteur du livre récemment publié : En attendant le concile de l’Eglise Orthodoxe, Paris, Cerf, 2011.

Il a également un livre d’entretiens avec le cardinal L. Husar, Vers un christianisme post-confessionnel, Paris, Parole et Silence, 2006.

Antoine Arjakovsky (1), le 27 mars 2011

Note :

[1] Antoine Arjakovsky est le directeur de l’Institut d’études œcuméniques de Lviv. Il est l’auteur du livre récemment publié : En attendant le concile de l’Eglise Orthodoxe, Paris, Cerf, 2011.

Il a également un livre d’entretiens avec le cardinal L. Husar, Vers un christianisme post-confessionnel, Paris, Parole et Silence, 2006.

[2] « Alors qu’Elie est enlevé sur un char de feu, Elisée reçoit le manteau sur les épaules et est investi de la mission prophétique du maître et de ses pouvoirs. Il réitère d’emblée les gestes de ce dernier affirmant ipso facto sa filiation : il roule le manteau comme un bâton et frappe les eaux du Jourdain comme son prédécesseur l’avait fait pour pouvoir passer. Les maîtres soufis de même couvrent de leur manteau leurs disciples avant de commencer leur enseignement, ils leur confèrent ainsi leurs pouvoirs et signifient qu’ils les acceptent comme élèves. Le manteau est également par voie d’identification le symbole de celui qui le porte. Donner son manteau c’est se donner soi même. Lorsque St Martin coupe son manteau pour le donner à un mendiant, c’est le don de sa personne qu’il effectue et dont le Christ le remercie par la suite. St François d’Assise fera aussi le don de son manteau à un mendiant. http://www.ordre-de-lyon.com/martinisme/manteau.htm

 

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