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Le pape François préside une réunion cruciale sur la situation des chrétiens du Moyen-Orient

Un double attentat-suicide – qui a fait 24 morts et près de 150 blessés – mardi contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth fait craindre à la presse libanaise le risque d’une conflagration régionale. Cet attentat constitue une escalade sans précédent dans le contexte de la guerre en Syrie quand on sait que l’Iran est l’un des soutiens du régime de Bachar el-Assad.C’est dans ce contexte régional très tendu que les patriarches et les archevêques majeurs des Églises orientales rencontreront à Rome le pape François ce matin pour lui exposer la situation de leurs communautés et « réfléchir sur les possibilités réelles de paix en Syrie, en Terre Sainte et au Moyen-Orient » comme l’a annoncé le cardinal Sandri, préfet de la Congrégation pour les Eglises Orientales le 26 octobre dernier dans son discours d’ouverture de l’année académique 2013-2014 de l’Institut pontifical oriental. Un peu plus tôt dans la matinée à 8h, le cardinal Préfet présidera, dans la Basilique Saint-Pierre, une messe pour la paix et la réconciliation en Terre Sainte, Syrie, Irak, Égypte.

Cette rencontre avec le Pape intervient alors que toutes les grandes figures catholiques orientales sont réunies à Rome depuis lundi pour la session plénière de la Congrégation pour les Églises orientales qui se clôturera demain par une conférence de presse le 22 novembre prochain à 17h.  Parmi les prélats, on compte le Patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal, le cardinal Béchara Boutros Raï, patriarche maronite, le Syrien Antoine Audo, évêque chaldéen d’Alep, la patriarche melkite syrien Grégoire Laham III, le patriarche irakien des Chaldéens Louis-Raphaël Ier Sako, mais aussi le patriarche copte catholique Ibrahim Isaac Sidrak, etc… Cette réunion plénière intitulée « Les Églises orientales catholiques à cinquante ans du Concile Vatican II » invite les patriarches à réfléchir sur la « précieuse hérédité » du concile et tout particulièrement sur la lettre apostolique Orientale Lumen de Jean-Paul II et l’exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Medio Oriente de Benoît XVI. Les travaux devraient permettre de vérifier la « croissante sensibilité de l’Église universelle en faveur des catholiques orientaux, considérant surtout le phénomène migratoire » à l’heure où la guerre en Syrie, l’instabilité en Irak et au Liban, les derniers événements en Égypte et la montée de l’islamisme inquiètent profondément les minorités chrétiennes d’Orient.

Flux migratoires

Le synode sur le Moyen-Orient organisé à Rome en octobre 2010 avait abouti à « la  sixième proposition finale des pères synodaux » qui invitait notamment les chrétiens à garder leurs terres et ne pas céder à la tentation de vendre leurs biens immobiliers. Nul besoin de rappeler le discours de Benoît XVI aux jeunes Libanais à Bkerké le 15 septembre 2012. Le Pape les avaient alors invités à ne pas « goûter au miel amer de l’émigration », malgré les difficultés, le chômage et la précarité. Les communautés chrétiennes – catholiques de rite oriental rattachées à Rome et orthodoxes – se trouvent dans des situations religieuses, sécuritaires, sociales, économiques, très difficiles. Les chrétiens d’Orient sont aujourd’hui estimés entre 10 et 13 millions. Ils représentent 36 % des Libanais, 10 % des Égyptiens, 5,5 % des Jordaniens, 5 % des Syriens, 1 à 2 % des Irakiens, 2 % des Israéliens, 1,2 % des Palestiniens, selon les statistiques de l’Œuvre d’Orient.

Le patriarche melkite Gregorios Laham qui réside à Damas a profité de son voyage vers le Vatican pour lancer un appel: « Je dis à mes fils, restez dans votre pays », et répété à l’AFP qu’il invitait les pays européens à ne pas « encourager » les chrétiens de Syrie à émigrer. Le patriarche irakien Sako a lui aussi dénoncé sur Radio Vatican la délivrance de visas aux chrétiens d’Irak par les ambassades occidentales : « il y a toute une stratégie pour aider les chrétiens à quitter l’Irak », même dans les zones du nord où ils ne sont pas menacés. Selon lui, « le Moyen-Orient va se vider des chrétiens » alors que « leur présence, leur qualification, leur ouverture sont vitales ». Il est à noter par ailleurs que l’émigration se fait aussi à l’intérieur même de la région, ce qui la déstabilise encore davantage : ils sont ainsi des dizaines de milliers de chrétiens syriens à rejoindre le Liban, la Jordanie ou encore la Turquie et ces pays n’ont pas forcément les moyens structures, économiques et sanitaires pour y faire face.

La paix en Terre Sainte, priorité pour la Région

A n’en pas douter la paix au Moyen-Orient paraît le seul moyen d’endiguer cette émigration. Cette paix comme le rappelle souvent le Patriarche Fouad Twal passe par Jérusalem et la Terre Sainte qui place « le conflit israélo-palestinien au cœur de tous les problèmes du Moyen-Orient, d’une manière directe ou indirecte. » Le Patriarche melkite, Mgr Grégoire III Laham a confié que « nous avons besoin d’avoir enfin la paix en Terre Sainte. Le Vatican s’est toujours engagé en faveur des droits des Palestiniens. Mais il faudrait maintenant une action diplomatique concertée du Saint-Siège et de ses nonces dans le monde entier. La résolution du conflit palestinien est, avec la question de la Syrie, la clef de la paix dans la région ». Dans le même sens, suite à l’attentat d’hier au Liban, Radio Vatican a recueilli la réaction du cardinal Raï, Patriarche des Maronites : « Nous condamnons vivement cet acte de terrorisme. A travers ça, nous voudrions dire que la Communauté Internationale est responsable de tout cela. Il faut quand même que la Conférence de Genève 2 puisse avoir lieu pour solutionner le problème syrien et pour régler le problème en Irak, en Égypte et surtout le grand conflit israélo-palestinien. Tout cela, c’est le contexte général de ces amertumes et de ces troubles, partout ».

Les chefs religieux attendent donc beaucoup de leur rencontre avec le Pape, pour que le Saint-Siège puisse continuer «  toujours son action diplomatique afin qu’une solution pacifique puisse englober tout ce Moyen-Orient, toujours souffrant et toujours martyrisé » a déclaré le cardinal Raï.

Après l’élection du Pape, plusieurs patriarches ont vivement souhaité que le pape François vienne dans la région, lui qui début septembre a décrété une journée de prière pour la paix en Syrie très suivie par les Églises qui ne voulaient aucune intervention militaire étrangère. La rencontre d’aujourd’hui pourrait alors aussi  « préparer une éventuelle visite du Saint-Père en Terre sainte et faire le point sur les négociations diplomatiques avec le gouvernement israélien » comme l’a suggéré Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient. Rappelons qu’Israël et l’Autorité Palestinienne ont invité le Saint-Père à se rendre en Terre Sainte l’an prochain. Le vicaire patriarcal des latins en Jordanie, avait aussi confirmé que le pape François pourrait se rendre en Jordanie au printemps prochain. Pour l’heure, dimanche 24, solennité du Christ Roi, les chefs et pères des Eglises orientales concélèbreront aux côtés du Souverain Pontife la messe conclusive de l’Année de la Foi en signe de communion avec le Successeur de Pierre. Une concélébration qui sonne comme un écho au 19 mars à l’occasion de la messe du début de pontificat qui là aussi « sera un signe de leur volonté de vivre en profonde communion avec le Successeur de Pierre la mission confiée par le Concile à leurs Églises : témoigner avec générosité de la foi pour favoriser l’unité des chrétiens, spécialement les orientaux. »

Source : Christophe Lafontaine pour le Patriarcat Latin de Jérusalem