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Voyage du Saint Père en Terre Sainte : Aspects diplomatiques et politiques

Le Saint Père se rendra en Terre Sainte du 24 au 26 mai 2014. A l’occasion de ce voyage de trois jours  il se rendra à  Amman, à Bethléem et à Jérusalem.

1/ Ce voyage commémorera le cinquantième anniversaire du voyage historique de Paul VI qui s’est rendu à Jérusalem en 1964, en plein Concile. La visite de Paul VI était non seulement la première visite d’un Pape en Terre Sainte mais aussi le premier déplacement hors de Rome d’un Pape au XXème siècle.

Le Pape François inscrira ses pas dans ceux de Paul VI, mais également dans ceux de Jean-Paul II qui a fait le voyage en 2000, et de ceux de son prédécesseur Benoît XVI qui s’est rendu en Terre Sainte en mai 2009.

  • Le Saint Siège insiste sur la signification avant tout religieuse d’un déplacement défini d’abord comme un « voyage de prière » et un pèlerinage œcuménique  : rappelant la mémorable rencontre à Jérusalem du  Pape Paul VI avec le Patriarche Orthodoxe de Constantinople Athénagoras,  le Pape François rencontrera son successeur le Patriarche  Bartholomée au Saint Sépulcre pour ce qui est présenté comme le point culminant de la visite.
  • Mais la rencontre prévue avec le monde musulman et le monde juif sur cette Terre Sainte pour les trois grandes religions monothéistes, donnera à cette visite un caractère plus largement interreligieux.

 

2/ Si l’accent est mis sur la nature religieuse du voyage, il n’en demeure qu’il revêt aussi un  aspect politique. D’abord parce que le Pape, dirigeant spirituel, est aussi reçu comme Chef d’État, et que tout déplacement qu’il effectue à l’étranger, revêt nécessairement un sens politique.

Le voyage du Pape se fera au cœur d’une région plus que jamais centrale aux préoccupations de la communauté internationale :

  • dans un Proche Orient marqué ces dernières années par des bouleversements entraînant soulèvements, violences et déplacements de populations ;
  •  et plus particulièrement chez les protagonistes d’un conflit israélo-palestinien, à un moment où on semble assister aux derniers efforts pour trouver une solution acceptable pour les parties.

Chaque étape du voyage du Saint Père aura une signification symbolique et politique :

  • en Jordanie, le Pape évoquera comme son prédécesseur les enjeux du dialogue avec l’Islam ; mais cela sera aussi l’occasion pour lui de marquer sa sollicitude pour les réfugiés en provenance de Syrie.
  • à Jérusalem, en se rendant à Yad Vashem, le Pape  s’inclinera à la mémoire des victimes de la Shoah et témoignera de sa sympathie pour le monde juif.
  • à Bethléem, le Pape célébrera la messe dans une ville qui abrita une des plus fortes communautés chrétiennes de Palestine, population touchée aujourd’hui par un exode qui affecte l’ensemble du monde chrétien au Proche Orient et préoccupe profondément le Saint Siège.

 

3/ Au cours de son voyage et en fonction des étapes prévues, le Saint Père aura l’occasion d’évoquer plusieurs grandes questions propres à la région :

  • le drame syrien : le Pape a déjà à plusieurs reprises marqué sa sollicitude pour les populations affectées par ce conflit sanglant (1,4 million de réfugiés en Jordanie d’après le HCR) et a appelé à la paix le 7 septembre 2013 par une journée de jeûne et de prière au retentissement mondial. Il est probable que le Saint Père réitèrera son appel en présence des victimes du conflit si nombreuses en Jordanie.
  • la présence chrétienne au Proche Orient : dans la continuité de ses prédécesseurs et après le Synode pour les Églises Orientales d’octobre 2010, le Pape François aura sans doute à cœur de souligner l’importance et l’ancienneté de la présence des communautés chrétiennes au Proche et Moyen Orient, et tout spécialement à Jérusalem. L’accélération de l’exode des Chrétiens d’Irak, de Syrie et de Palestine est une source de grave préoccupation pour le Saint Siège. Le maintien de communautés chrétiennes aux côtés de majorités musulmanes et l’apport bénéfique de leur présence ont souvent été soulignés, notamment lors du voyage de Benoît XVI en septembre 2012 au Liban, pays présenté comme modèle du multi confessionnalisme.
  •  la liberté religieuse : une des causes du départ des Chrétiens, ce sont les atteintes  à leur liberté de culte et liberté de conscience. Dans une région qui connaît  une montée des extrémismes accompagnée de violences meurtrières, le Saint Siège appelle au respect de la liberté religieuse et aux droits des minorités. Il est probable que le Saint Père évoquera au cours de ce voyage cette question particulièrement cruciale en Syrie, mais aussi en Egypte et en Irak.
  •  la liberté d’accès aux Lieux Saints est un des aspects de la liberté religieuse pour le Saint Siège. En se rendant à Bethléem, ville dont l’accès est rendu presque impossible pour les Chrétiens de Jérusalem et d’Israël, le Saint Père soulignera son attachement à ce principe. En célébrant à Jérusalem la messe au Cénacle, le Pape marquera l’attachement des Chrétiens pour un lieu dont on sait qu’il reste une pierre d’achoppement dans la négociation d’un accord entre Israël et le Saint Siège. La question particulière du statut de Jérusalem demeure une préoccupation de l’Eglise qui rappelle le principe de la liberté d’accès à la Ville Sainte pour les fidèles de toutes les religions.
  • les relations israélo-palestinennes : la position constante du Saint Siège appelle à un règlement politique sur la base d’une solution à deux États. On peut rappeler à cet égard les termes de l’allocution prononcée par son prédécesseur au moment où il quittait Tel Aviv en 2009 : « Puisse être reconnu universellement que l’État d’Israël a le droit d’exister, de jouir de la paix et de la sécurité à l’intérieur de frontières reconnues internationalement ! De même puisse être reconnu le droit du Peuple Palestinien à une patrie souveraine et indépendante pour y vivre dans la dignité et se déplacer librement ! Puisse la solution des deux États devenir une réalité, et ne pas demeurer seulement un rêve ! » Nul doute que le Pape François reprendra d’une façon ou d’une autre la ligne de ce propos.

Ancien ambassadeur de France à Madagascar (2000-2002), en Russie (2006-2009) et au Saint Siège (2009-2012), Stanislas de Laboulaye a été Consul Général de France à Jérusalem au lendemain des accords d’Oslo (1996-1999), poste où il s’est familiarisé avec la problématique israélo-palestinienne et la situation des Chrétiens d’Orient et des établissements chrétiens au Proche Orient.

Il a également été Secrétaire Général Adjoint, Directeur Politique au Quai d’Orsay de 2002 à 2006 : dans cette position il a dirigé pour la France la négociation des Européens avec l’Iran sur son programme nucléaire.

Comme ambassadeur à Moscou, Stanislas de Laboulaye entretenait des relations cordiales avec le Patriarcat orthodoxe de Moscou.

Stanislas de Laboulaye est actuellement membre du Conseil d’Administration de l’Œuvre d’Orient