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Le témoignage de François : " Je rends grâce au Seigneur pour toutes ces rencontres "

Découvrez le témoignage de notre volontaire François à Svishtov en Bulgarie en mission pour 3 mois.


La découverte : 

Je ne sais pas vraiment comment commencer ce rapport d’étonnement ; Ainsi, j’ai décidé de simplement suivre le fil de mes pensées pour revenir sur ces deux premières semaines de mission passées à Svishtov. J’ai de la chance sur un point ; depuis mon arrivée, je n’ai pas manqué d’être étonné par les personnes rencontrées, les lieux visités, cette toute nouvelle culture à découvrir.

Ma première rencontre a été celle du père Vialle, un bonhomme d’à peine 1m65, qui m’attendait sans montrer la moindre marque d’impatience malgré les 2 grosses heures de retard de mon avion. Je découvre rapidement un homme dont la vie donnée force le respect. Pour passer 15 ans de sa vie à 2500 km de chez soi, isolé dans une mission laborieuse auprès d’une poignées de catholiques pratiquants, il faut un sacré cran ! Chacune de nos discussions depuis ce premier contact m’apprend à mieux le connaître, et me confirme que j’ai une figure d’obéissance, d’abandon et de sainteté toute particulière en face de moi.

Après 2 heures de voiture pour atteindre le Danube, nous passons sur le seul et unique pont de la frontière qui permet de passer de Roumanie en Bulgarie… et je découvre avec étonnement les routes bulgares. Pour pimenter un peu le tout, il faut aussi zigzaguer entre les chiens errants et les faisans qui déambulent sans inquiétude sur la chaussée. Dans le dernier village avant Svishtov et la promesse d’un sommeil bien mérité, le père me présente la grande statue de Lénine qui trône fièrement sur la place du village en guettant ma réaction. Moi qui craignais de ne pas être dépaysé en arrivant en Europe de l’Est, je dois bien avouer que j’avais largement sous-estimé le voyage dans le temps qui m’attendait.

En effet, les jours suivants n’ont fait que confirmer cette première impression. A tous ceux qui ont déjà rêvé de pouvoir remonter le temps : venez en Bulgarie. Ce bond dans le passé est d’autant plus déstabilisant qu’il semble criblé d’anachronismes ; des voitures dernières générations roulent dans des villages qui n’ont pas bougé depuis 100 ans (mention spéciale au fantomatique village de Белене), des publicités ultra modernes habillent des bâtiments sortis tout droit d’URSS… l’exemple le plus flagrant de cette vie m’est apparu lors de notre passage au bureau de poste la semaine passée. Dans un guichet qui n’a pas dû être rafraichi depuis une bonne cinquantaine d’année, un détail me saute aux yeux ; un calendrier de 2013 est affiché au mur, complètement passé au soleil. Depuis 10 ans, pas une seule personne n’a donc envisagé de mettre à jour ce calendrier.

Je ne vais pas m’étendre sur la misère qui touche ce pays et ses habitants, pourtant si flagrante à tous points de vue ; la maison de retraite de Svishtov, où les chambres d’à peine 20 m² sont partagées entre 3 résidents, serait fermée depuis bien longtemps pour insalubrité en France, alors qu’elle est considérée comme relativement confortable pour la Bulgarie. De même, l’allure de l’hôpital donne davantage l’envie de souffrir en silence chez soi que de se risquer à y mettre un pied ; les anecdotes confiées par le père Vialle n’ont pas mis longtemps à me confirmer cette observation, entre crises cardiaques non diagnostiquées et erreur médicale provoquant la mort d’un paroissien pour une simple entorse à la cheville… cette mission chez notre pauvre voisin d’Europe de l’Est continue de me faire réaliser chaque jour la chance que nous avons d’être nés en France… mais j’y reviendrai.

 

Ma mission : 

Au-delà de la découverte de cet environnement inconnu, mes premiers pas à la mission catholique des Saints Cyrille et Méthode ont également eu leurs lots de surprises. Je découvre une petite communauté paroissiale très heureuse d’accueillir un nouveau volontaire. Moi qui avais peur d’être perdu au milieu d’une foule de bulgares, je comprends rapidement que toutes les paroisses ne sont pas les usines dynamiques que j’ai toujours connu à Paris, Marseille ou Bordeaux… une petite quinzaine de fidèles assistent à l’office de la Passion du Vendredi Saint, une grosse quarantaine célèbre la veille la Cène de notre Seigneur Jésus-Christ. En semaine, il n’y a souvent que le père et moi à la messe paroissiale. De temps en temps, une paroissienne nous rejoint et fait exploser le nombre moyen de fidèles. Étant la seule paroisse catholique de ce faubourg de 25 000 habitants, on ne peut pas dire que les statistiques soient très avantageuses. Pourtant, je ne crois pas que le père Vialle fasse mal son boulot depuis 15 ans, bien au contraire ! Seulement, comme on me l’avait expliqué avant mon départ, j’ai bel et bien atterri sur une terre de mission, où la foi est en crise et les gens ont un grand besoin de soutien spirituel.

Fort heureusement, ça n’est pas le nombre qui fait la qualité. J’ai découvert avec beaucoup de joie des paroissiens avec une vraie foi, malgré quelques décalages inattendus ; après avoir été agréablement surpris face des enfants de 5 ans qui récitent leur « Je vous salue Marie » sans la moindre hésitation devant toute l’assemblée, j’ai été étonné de trouver tout le patronage (enfants et animateurs confondus) en train de partager un gros goûter pizza au jambon le Vendredi Saint ou encore de découvrir la grande difficulté des fidèles à rester en silence lors de l’adoration.

Il m’a enfin fallu quelques jours pour comprendre quel est le sens de ma présence ici et le cœur de ma mission ; après avoir dépassé le sentiment d’inutilité des premiers pas, mes discussions et interactions avec le père Vialle m’ont permis de réaliser que mon rôle consiste principalement en un soutien moral après de lui, en partageant une vie de fraternité avec ce prêtre qui devrait vivre en communauté de frères en tant que passioniste. Ainsi, même si je n’ai pas forcément toujours été utile concrètement ces premières semaines, je sais néanmoins que ma présence lui est précieuse.

J’aimerais terminer en revenant sur cette réflexion qui me travaille beaucoup depuis le début de mon année en service, et plus particulièrement depuis mon arrivée en Bulgarie et la découverte de cette misère généralisée. J’ai été surpris de constater qu’à longueur de journée, des roms de tout âge viennent sonner au presbytère pour demander de l’aide au père. De même, le père m’a appris que les 3 seuls garçons de mon âge que j’ai rencontré ces jours-ci sont tous les 3 orphelins de père. Leur vie est loin d’être facile à côté de la mienne, et je réalise vraiment la chance que nous avons d’être nés en France, de surcroît dans une famille stable et aimante en ce qui me concerne. Tout cela me questionne beaucoup du point de vue spirituel : pourquoi certains semblent-ils contraints à être malheureux, fatalement, par défaut ? Comment Dieu fait-il son compte ? Pourquoi sommes-nous si inégaux face à la chance et donc nécessairement face au bonheur ? Beaucoup de personnes rencontrées ici ne semblent pas même pouvoir rassembler les quelques conditions élémentaires au bonheur…

et pour ces 3 mois au service de mon prochain qui m’attendent à Svishtov. Merci à L’Œuvre d’Orient pour votre action ici et partout ailleurs, que le Seigneur vous bénisse et vous garde.

Bien affectueusement,

François